La vengeance est un plat qui se mange dans la gueule.

Intro and Outro music I Saw the Devil, pour lire avec la magnifique bande-son de ce superbe film.


Quand tu commences à hésiter entre mettre un dix ou bien un neuf, le cas est plié, c'est un bon film. Non un grand film. Non, une bonne claque lancée à 150 km/h et qui vient te frapper en plein sur le maxillaire en dégageant tous tes petits standards, tes bases, tes gentils thrillers à l'américaine au passage.


Et Vlan !
Case closed. Vive la Corée.


Depuis que je suis "activement" sur Sens Critique, c'est à dire depuis janvier de cette année, je n'ai regardé que deux films coréens, deux thrillers époustouflants : L'excellent Memories Of Murder de Bong Joon-ho et Old Boy de Park Chan-wook, film de vengeance des plus glorieux.


Subjugué par la puissance, l'esthétique racée et si particulière de ces deux films, j'ai commencé à regretter ma méconnaissance du cinéma asiatique et de ses thrillers à l'heure où les trois quart de la production des pays occidentaux en la matière me laisse un goût fadasse dans la bouche.


Quoique en matière de films de vengeance, les meilleurs vus récemment hors cinéma coréen étant Big Bad Wolves et American Mary, je dois dire que j'ai plutôt des bons standards. En tout cas, je les aime bien mes standards à moi.


C'est pas le tout, il va falloir que je me mette à parler du film un de ces quatre.
Sixième long-métrage du réalisateur Kim Jee-woon, papa de films tel que A Bittersweet life ou Deux Sœurs qui ont eu un certain retentissement au pays de la baguette et des droits de l'homme, sur un scénario de Park Hoon-jeong (qui sera aux commandes, trois ans plus tard, de New World), J'ai rencontré le diable est un thriller viscéral à la réputation sulfureuse, censuré par le Korea Media Rating Board, l'agitation autour de sa sortie mettait d'ores et déjà en avant sa violence non dissimulée.
Autre point qui attire immédiatement l'attention, la présence sur l'affiche de Choi Min-sik, l'acteur incontournable des succès Park Chan-wook dont le talent crève l'écran et celle de Lee Byung-hun, tenant du rôle titre dans A Bittersweet Life.
La gageure ici était de réaliser un mélange audacieux entre thriller haletant et revenge-movie viscéral. Original dans son déroulement, sans détour ni concession, l’œuvre parvient à créer l'alchimie parfaite. J'ai rencontré le diable tient son pari, et bien plus encore


Soo-Hyun, agent des services secrets coréen, est un type bien dans sa tête, pas du genre à avoir la vengeance dans la peau. Mais lorsque sa jolie fiancée se trouve assassinée et découpée en petit morceaux dispersés le long d'une rivière, les choses changent légèrement pour lui. Il se jette alors à corps perdu dans une vendetta machiavélique, promettant des souffrances sans nom au tueur de sa belle.


S'ouvrant sur ce meurtre terrible, J'ai rencontré le diable étale directement aux yeux du spectateur sa qualité première, une esthétique diaboliquement efficace. J'avoue sans complexe avoir retenu mon souffle devant le large plan de la voiture sous la neige, étouffée par les mille flocons illuminés par la lumière jaunâtre du lampadaire. Cette première scène est d'une virtuosité rare, et tandis que Kyung-Chul tire le corps de sa pauvre victime dans la neige la caméra opère, vue de dessus, un travelling suivant la traînée sanglante. Rouge, blanc et autour de cette scène l'obscurité...superbe.


Je pense que c'est maintenant un aspect irrémédiablement attachée aux productions coréenne pour moi, mais je me dois de le souligner, ce film est une perle d'esthétisme, une perle rare. Couleurs tantôt chaudes et profondes en intérieur, opacité brumeuse et froide en extérieur, Kim Jee-woon est impressionnant dans la maîtrise de sa photographie.


La mise en scène fait la part belle à des déchaînement de violence d'une rare intensité, lorsque Soo-Hyun retrouve Kyung-Chul pour lui maraver la tronche avec tout ce qui lui tombe sous la main, du scalpel au poing, de la pierre à la batte. Violence extrême du héros contrastant avec les ellipses qui nous épargne beaucoup des meurtres du tueur, soulignant toute l'horreur du monstre qui se réveille chez Soo-Hyun, plus terrible que le diable qui avance à visage découvert. Violence sublimée lors de scènes de combats joliment chorégraphiées, permise par la maîtrise martiale de Lee Byung-Hun.


La découpe des jeunes femmes nous est souvent épargnée, reste certains éclats de sauvagerie Kyung-Chul, dont la beauté n'a d'égal que la gratuité. Je ne peux que souligner la fulgurance de la scène du taxi qui marque avec brio la nature sauvage du tueur, moment éphémère et ô combien savoureux.


Si certaines facilités dans l'écriture pourraient et sont -oui, j'ai lu quelques avis ici et là- reprochées, force est de reconnaître que Kim Jee-woon pousse à son paroxysme le revenge-movie en introduisant plusieurs éléments originaux. Par ici, je vais être obligé de dévoiler un petit peu d'intrigue, ça ne dure pas longtemps, mais bon, si tu veux pas te gâcher le film arrête de lire et va un peu plus bas. Après, si tu t'en cogne fais-toi plaiz', mais je t'aurais prévenu.


Ici, celui qui se venge est quasi-invincible. Un James Bond débridé. Un être rayonnant, supposément inattaquable, qui protège la nation et ses proches, et qu'un drame affreux touche au plus près. Quel égalité peut-on espérer alors entre ce surhomme et le tueur traqué, impitoyablement tabassé et relâché, tabassé et relâché, tabassé et relâché. Aucune, en fait. L'agent omnipotent, capable de tomber sur le râble du tueur à n'importe quel moment (merci la géolocalisation planqué dans l'estomac du tueur) ne laisse aucun répit à sa proie. Trop sur de sa maîtrise, il se laisse alors surprendre, comme le spectateur, dans les dernières trente minutes, ayant bien trop sous-estimé son opposant.
L'intensité dramatique se fait oppressante, climax palpitant, la fin est rythmée par une bande-son à l'image du film, parfaite. Oui, dans ce film, la vengeance est longue, dure, impitoyable. Oui on se la mange en plein dans la gueule, et parfois elle n'apporte rien si ce n'est plus de douleur et de peine. A ce titre, j'ai été subjugué par un final poignant, à la mesure de l’œuvre.


Mais, il faut souligner quelques incohérences qu'on peine à s'expliquer : comment diable le tueur a le numéro de portable du commissaire -commissaire affreusement mal interprété par ailleurs. Peut-on ne peut en tenir rigueur à ce film ? Non, ça serait faire preuve d'une mauvaise foi qui n'a pas sa place dans cette critique. Pas de ça chez moi, non !


J'ai rencontré le diable est un film d'une rare intensité, à la violence à fleur de peau, toujours tendu même dans ses phases d'attentes. La maîtrise du rythme n'a d'égale que le talent des deux rôles titres, entre un Choi Min-sik à la folie destructrice, empli de désir et de colère, qui éclipserai tout à l'écran s'il n'y avait Lee Byung-hun, au calme froid qui dissimule, tant bien que mal, la douleur et la tristesse qui lui échappe rarement, au détour d'une larme qui coule sur le masque de cire qu'est son visage.


Amateur de thriller, de vengeances, d'esthétisme, de coréens, de tueurs, de sang, de bons films, de neige, de bus scolaire, de serres, d'infirmières, d'écolières, de psychopathes, de rires machiavéliques... ce film est pour toi !
A l'image des victimes du tueur, tu vas prendre un bon coup sur la tronche.

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le 15 mai 2015

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Petitbarbu

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