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Je ne connaissais pas le jeune réalisateur David Robert Mitchell avant de me traîner hors de ma grotte, aujourd'hui, pour aller visionner le plutôt plébiscité It Follows, son second long-métrage. Un long-métrage qui s'annonçait de genre, puisque la bande-annonce se réclamait clairement comme un film d'horreur. Mais alors pourquoi, moi qui suis d'habitude si réticent aux Annabelle, Chucky et autres Insidious, ai-je fait l'effort d'aller voir It Follows ? D'abord, parce qu'il s'annonçait intéressant: la bande-annonce délivrait quelques aperçus de plans audacieux, et la mise en scène semblait plus élaborée et intelligente que celle des Paranormal Activity. Ensuite, parce que l'affiche, remplie à trois quarts d'extraits de critiques positives, m'a tapé dans l'oeil, tant encore une fois elle se démarque des films d'horreur traditionnels.

A tort où à raison, tous ses préjugés, finalement ? Eh bien, comme d'habitude, ce n'est ni complètement l'un, ni complètement l'autre. Si nombre de mes attentes ont été comblées, certains points du film m'ont quand même déçus, au point qu'au final mon jugement du film a été quelque peu en-dessous de ce que j'imaginais. Pourquoi mettre un 7, alors ?

Eh bien, je l'avoue, je n'ai pas vraiment d'expérience en matière de films d'horreur. La seule référence que le film appelait en moi était The Shining, ce qui inscrivait déjà le film dans une certaine marge par rapport au coulis de films d'horreur habituels. Il y a en effet le même doute, la même incursion dans le fantastique (le fantastique pur et dur, théorique, celui de Tzvetan Todorov, je ne vous parle pas d'elfes de maison hein) dans les deux films, dans la personnalisation de la Peur notamment, ou plutôt de l'objet qui fait peur, que le personnage principal craint (et nous aussi, par la même occasion).

Si je devais donner une raison n°2 à cette note, ce serait celle-ci: c'est quand même diablement bien réalisé. Au-delà des références à The Shining que j'ai remarquées, le film est totalement maîtrisé, que ce soit dans les mouvements de la caméra ou dans la mise en scène (je pense aux plans larges, maintes fois utilisés). A noter également, enfin un film d'horreur qui ne se sent pas obligé de plonger le spectateur une heure trente sur deux heures dans le noir pour lui faire peur. Il y a évidemment des scènes dans des espaces fermées, parfois au crépuscule, mais autant de scènes se passent au grand jour, et sont toujours aussi magnifiquement bien gérées.

Par ailleurs, la tension est elle aussi très bien gérée, bien aidée par une musique absolument géniale pour un film de ce genre, lui conférant une teinte 80' tout en assurant parfaitement le rythme du film, et surtout les pics de surprise: des bourdonnements, des grésillements, des bruits sombres, des notes basses qui m'ont parfois fait penser à la musique de Trent Reznor sur Gone Girl, de Fincher. Je retiendrais seulement une légère baisse de régime après une heure ou une heure et quart de film.

Le casting, lui, s'en sort plutôt pas mal puisque même constitué d'inconnus il manque rarement à l'appel, et est convaincant dans la globalité: Maika Monroe, en héroïne, assure une bonne prestation. Ce que je vais reprocher, je le reprocherai surtout aux personnages, et non aux acteurs: j'ai parfois trouvé un manque de cohérence en eux, et c'est particulièrement cela qui m'a déçu dans ce film. On aurait pu attendre d'un film comme celui-ci, qui se revendique tellement en marge des autres, qu'il échappe au moins aux clichés du genre, par exemple prendre de mauvaises décisions qui vont conduire à une situation où la peur aura l'avantage. Vous me direz: "oui, mais c'est un peu le but du film d'horreur quand même, de faire peur", et vous n'aurez pas complètement tort (on ne regarde pas un porno pour les cadrages). Cependant, ce n'est pas parce qu'un film est de genre qu'il doit forcer coller à des codes déjà bien trop utilisés. Regardez La Ligne Rouge: c'est toujours un film de guerre, malgré le style très particulier de Malick.

SPOILERS

Le film a également du contenu à revendre, puisque la peur de l'héroïne est métaphorique, symbolique pour moi d'une jeunesse, américaine ou pas forcément, qui est basé sur le sexe et les regrets. Même la peur est, finalement, une caractéristique de cette adolescence; on pourrait presque crier à la mise en abyme: on va au cinéma pour avoir peur, et les personnages se plaisent également à avoir peur, d'une certaine façon.
J'ai également pensé à une MST que se transmettraient les personnages, encore une fois symbole d'une sexualité trop débordante. Heureusement, cette morale quelque peu conservatrice n'est qu'évoquée symboliquement et n'est jamais évoquée implicitement, et David Robert Mitchell évite ainsi de tomber dans un discours moral convenu.
Par rapport à la fin ouverte, je pense clairement que David Robert Mitchell avait peur de faire une fin trop figée. Je trouve que c'est un bon choix: comme pour le fait de ne pas expliquer d'où vient la peur précisément, et la nature exacte de ce que les personnages se "transmettent", il crée un flou qui laisse libre cours à toutes sortes d'interprétations.

FIN DE SPOILERS

It Follows reste, malgré ces remarques plutôt hétérogènes, un bon film d'horreur - même s'il n'atteint jamais The Shining - que je retiendrai pour sa musique et la tension que celle-ci entretient. Dommage que certains clichés persistants ternissent cette réalisation maîtrisée de bout en bout, et ce régal de mise en scène.
Soma96
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le 13 févr. 2015

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Kevin Soma

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