Le problème d’Interstellar, pour moi, c’est l’attente qu’il a suscité et le hype énorme que sa sortie a engendrée. Si ce film était sorti de nulle part, plus tôt dans la filmo de Nolan par exemple, je n’aurai pas été aussi sévère, car s’il est clair qu’on a là un divertissement de qualité aux à l’esthétique plus que satisfaisante, on trouve aussi un certain nombre d’écueils et d’erreurs de jeunesse, que l’on trouvait déjà dans les précédents films de Christopher Nolan. De plus, un certain Gravity est passé par là…

Scénario, structure du film, rythme…
Le scénario, je l'ai trouvé sympa, l'utilisation des trous de vers, trous noir, relativité pour construire une intrigue à paradoxe temporel... c’est ambitieux et intéressant.

La première partie est très efficace et bien menée, on maintient un certain niveau de suspens, les personnages sont intéressants. Cependant un gros problème apparaît rapidement : on a une concentration incroyable de petits génies capable de sauver la planète sur moins de 100km², un premier élément que l’on passera un peu sous silence histoire de donner sa chance au film. Et puis le propos sur « pas d’avenir sans découverte et exploration » est réjouissant. Un film écologique et technophile. Chouette. Le film souffre par ailleurs de pleins de petites incohérences scénaristiques, de faux raccords à droite à gauche qui sont gommés (que notre cerveau zappe) par le bullshit et la spirale de whatever temporel de la fin.

La deuxième partie du film est très plaisante, notamment la course au temps entre les 3 principales planètes (dont les idées sont sympa, mais ces passages sont trop courts), les acteurs sont cools (dont le guest surprise), le script est malin, la photo est très chouette.

Pour la troisième partie, à partir de l'entrée dans le trou noir, j'ai successivement pensé: "c'est un remake du chapitre Jupiter de 2001, mais par un ado de 15 ans" / "il s'est bien foiré sur la mise en scène du final quand même" / "Ah non c'est pas le final, il s'enlise pépère" / "wow, euuuuh, il en reste, je vous le mets?" / "C'est quoi cette morale... euuuuh j'ai bien compris ce que veut me dire le film là? Ils sont sérieux?". Honnêtement, on sent que le film veut s’achever sur un gros brainfuck psychédélique, mais Nolan pense à ses petits spectateurs tous perdus, et fini par une grosse parabole sans sous-texte avec des scènes de retrouvaille, de liesse et d’espoir.

Cette propension à tout expliquer aux spectateurs est un des écueils du film. Souvent l’image se suffit à elle-même, et pourtant on nous rajoute un dialogue qui explique bien tout pour les neuneux du fond. Dans la 3e partie le robot commente ce qu’on voit de manière pseudo-cryptique, de sorte qu’on imagine une seconde ne pas avoir compris, pour revenir sur cette impression une fois les informations parasites évacuées – un classique chez les Nolans. Le robot, il est vraiment là pour nous expliquer ce qu’on voit. J’ose y voir une main tendue du réalisateur aux malvoyants, qui pourront profiter pleinement du film.
Au niveau du rythme, Interstellar est mieux monté que les 2 derniers Nolans, restent toujours 20 minutes de trop – pour ma part en bout de métrage.

Art et Technique
Le gros point de déception en ce qui me concerne (là où j'attendais le plus Interstellar). Techniquement, visuellement, les images dans l'espace sont propres (quoique peu nombreuses), mais mise à part les effets visuels du trou noir qui sont bluffant, le film accuse 10 ans de retard sur Gravity en terme de sensation et de rendu.
Le trou de vers rend vraiment bien, mais c'est exactement le même effet spécial vu dans Inception, on s’en rend compte immédiatement, et ça gâche un peu le plaisir (qu’on ne réinvente pas la roue d’accord, mais que ça se voit autant…)
Les maquettes des vaisseaux sont assez moches et/ou mal éclairées. La scène de raccrochement à l'arrache sous rotation aux 3/4 du film est immonde, on discerne clairement l'effet spécial à base de grosses majorettes – les vitesses et échelles sont bizarres ! La plupart des jauges et indicateurs des vaisseaux ne fonctionnent pas, ne bougent pas. Ça m'a cassé mon immersion plusieurs fois.
Je ne m’étendrais pas des années sur le sujet, mais en termes d’image spatiale et de sensations d’immersion, un certain film d’Alfonso Cuaron est passé par là, et j’ai même tendance à préférer le Sunshine de Danny Boyle.

Hans Zimmer, schnell !
La musique de Hans Zimmer est très bien (surtout quand on voit son travail de porc pour "Dark Knight Rises"), à base de gros orgues bien fat, mais: il y a 2 ou 3 thèmes à tout casser, répétés à l'envi en boucle pendant parfois plusieurs dizaines de minutes. Donc oui, mais non.
Côté casting rien à signaler, les acteurs font très bien le boulot. La minette qui joue Murphy jeune a une belle carrière devant elle. Les robots, on aime ou pas le design mais il faut avouer qu’on se souviendra de leur gueule (quoiqu’il est étrange qu’on ne rencontre qu’un unique modèle …) !

Pour conclure…
Nolan fait du bon Nolan, avec ses grandes qualités et ses pénibles défauts. Ne boudons pas notre plaisir, du space op' de cette trempe sur grand écran c'est clairement que du plaisir.
Au regard de leurs ambitions respectives, Gravity est pour moi 50 fois plus performant, bien mieux écrit (et oui!) et plus virtuose techniquement.
Mais Interstellar reste un excellent film d'aventure spatial tout public, bien honnête qui ne se moque pas de son monde avec un scénario "intelligent", quoiqu’un peu prétentieux qui laissera l'amateur de space op' voire le spectateur un peu exigeant un tout petit peu sur sa faim, surtout au regard de l’attente et du hype qu’il a suscité.
benkb
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le 24 nov. 2014

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benkb

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