Deux ans après avoir bouclé la saga The Dark Knight sur une petite déception, Christopher Nolan revient sur le grand écran, à l'assaut d'un nouveau genre : celui de la science-fiction. Et comment rester de marbre lorsque celui qui a rationalisé la magie (Le Prestige) et le monde des rêves (Inception) annonce une aventure spatiale incroyable ? Impossible ! On ne peut que s’attendre à un mélange de hard-SF à base de théories complexes et de divertissement saisissant. Surtout lorsque Nolan insiste pour communiquer sur ses principales inspirations : 2001 l'Odyssée de l'espace, Star Wars, Blade Runner, Alien, Rencontres du troisième type... Nolan a vu grand, très grand même, mais rate le chef-d’œuvre.


Décimée et affaiblie, l'humanité peine à survivre grâce aux plantations de maïs. La légende veut que l'état entier du Texas se soit adonné à un suicide collectif suite à la disparation des BBQ Ribs. Cooper (Matthew McConaughey, parfait encore une fois) est un ancien pilote de la NASA reconverti en cultivateur pour parvenir aux besoins de sa famille (sa femme a forcément disparu puisqu'il n'y a jamais de couple heureux chez Nolan). Suite à la découverte d'un site caché par la NASA, Cooper se retrouve à la tête d'un ultime voyage dans l'espace afin de sauver ce qu'il reste de l'espèce humaine.


Bien que perdu dans ce vide infini et immuable, l'équipage de la dernière chance doit lutter contre un ennemi invisible et incontrôlable : le temps. Sans trop en dévoiler, Cooper et ses coéquipiers ne font pas que risquer leur propre vie et cette (re)trouvaille scénaristique (déjà présente en partie dans Inception) est une véritable épée de Damoclès, implacable et parfaitement exploitée par Nolan lors de quelques séquences déchirantes. "Je pense qu'Interstellar est le film le plus émotionnel que j'ai réalisé jusqu'ici" déclarait, sans se tromper, Christopher Nolan lors de l'avant-première française. Le réalisateur anglais ne cachait pas non plus son intention de revenir à l’âge d’or des films de science-fiction. Difficile également de ne pas penser à un autre âge d'or : celui de la NASA, qui continue de faire rêver des générations, tout comme Nolan souhaite faire rêver les spectateurs avec Interstellar. Celui-ci condamnerait-il au passage les coupures récemment effectuées dans le budget de la NASA ? Possible et ce serait un joli pied-de-nez.


Conformément aux attentes, les frères Nolan s'emparent de théories physiques avancées pour projeter le spectateur dans un univers méconnu, entraînant ici de nombreuses scènes d'explications afin de ne pas perdre le cinéphile lambda et faisant passer Cooper (ancien pilote de la NASA, je vous le rappelle) pour un élève de cinquième techno. Malheureusement, si j’encense l’utilisation du temps dans le scénario, le reste du script repose sur des mécanismes usés (même structure que Sunshine du compatriote Danny Boyle, mais ce n’est pas le seul exemple) et facilement identifiables par le public. Sur le fond, Christopher Nolan continue de traiter des thèmes qui lui sont chers : l'amour (notamment paternel), l'abnégation, le dépassement de soi. On se demande d’ailleurs si Nolan n’a pas mangé un hippie tant le « pouvoir de l’amour » est employé à toutes les sauces, notamment dans un dernier acte qui risque de faire débat.


Néanmoins, il faut reconnaître que Nolan ne s'autorise aucune concession sur la forme. S'il évite sans trop de peine le tunnel psychédélique et multicolore qu'aurait pu être le voyage à travers un trou de ver, le réalisateur ne se cache pas non plus derrière une ellipse facile lorsqu'il doit représenter le total inconnu. Maître de l'image, Nolan nous transporte dans un univers au look vintage et aux couleurs désaturées (un classique chez le réalisateur). L’aventure spatiale est renversante et -comme pour Gravity- le spectateur se retrouve collé à son siège, en apnée, priant pour la survie de l’équipage, bercé par la magnifique musique signée Hans Zimmer.


Interstellar est un pur film de Nolan, ambitieux, divertissant, complexe au premier abord et épatant visuellement. Mais est-il à la hauteur des chefs-d’œuvre dont il s’inspire ? Clairement non. Alors suivez plutôt la vision du réalisateur (qui dit simplement vouloir raconter une belle histoire), et ravalez votre attente démesurée, le voyage en vaut la peine.

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le 4 nov. 2014

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Aerik

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