Le premier Insidious était un sacré coup de poker, autant pour son auteur, James Wan, que pour son producteur, Jason Blum. Filmé pour tout juste un million de dollars, le long-métrage recyclait avec un certain brio l'esthétique désuète et baroque des vieux films de maison hantée. Là où il avait lamentablement échoué avec Dead Silence, James Wan réussissait ici à proposer une véritable expérience de train fantôme à son spectateur, en citant explicitement ses références (Poltergeist, Amityville, Les Innocents), mais en marquant toutefois son film de plusieurs trouvailles mémorables, et d'un jump-scare absolument génial, devenu culte depuis. Si Wan n'a jamais été un très bon scénariste, ses compétences de technicien sont en revanche remarquables. Et si Jason Blum a, depuis peu, eu un sacré nombre d'idées idiotes en tête (comme produire un legacy-sequel à l'Exorciste), c'est aussi un producteur avec du flair, qui sait cerner le public et la bonne manière de le faire frissonner. Les spectateurs ne s'y sont pas trompé, Insidious est devenu le film le plus rentable de l'année 2011, et ils en ont redemandé.


Trois ans plus tard, Insidious Chapitre 2 sort, et on sent bien que Wan a la tête à autre chose. Cette autre chose, justement, c'est The Conjuring, qu'il a réalisé quelques mois plus tôt, et l'a littéralement fait décoller dans la stratosphère. Conjuring est une merveille de découpage, servi notamment par des plans-séquence encore plus impressionnants que dans Insidious, et des sursauts toujours mieux pensés. En bon artisan, Wan s'est encore perfectionné.

Insidious 2, s'il reste une bonne suite, témoigne toutefois d'une certaine perte d'intérêt de Wan pour sa propre création : les déboires de la famille Lambert l'intéresse désormais bien moins que le couple Warren, sur lequel il a la possibilité de construire une véritable panthéon. Aucune séquence ne se démarque vraiment du lot, bien que le savoir-faire de James Wan derrière la caméra reste indéniable : il s'amuse de nouveau à citer ses maîtres (L'attaque de Josh à la fin du film rappelle explicitement celle de Jack Torrance dans Shining), étaye un peu sa mythologie (Le tueur Parker Crane, très bonne trouvaille), mais semble réaliser cette suite par pur contrat, afin que Jason Blum le laisse vaquer à d'autres projets.


C'est Leigh Wannell, un camarade de longue date de Wan avec qui il a notamment écrit Saw, qui se chargera de réaliser le troisième opus, sorti en 2015.

Insidious Chapitre 3, qui n'est pas une suite mais bien un préquel, est personnellement le film que j'apprécie le plus dans la saga. Si Leigh Wannell n'est évidemment pas un aussi bon technicien que son ami et collègue, il truffe néanmoins son récit d'idées ingénieuses et anxiogènes. Sa protagoniste, une jeune fille blessée suite à un accident, est laissée sans défense face aux manifestations des esprits, ce qui donne au film des allures de Fenêtre sur cour revisité à l'ectoplasme. J'apprécie sa volonté d'accentuer encore un peu plus cette idée de terreur nocturne et de paralysie du sommeil, tout comme je trouve que l'antagoniste du film, ce vieil homme rachitique dont les héros craignent d'entendre à la respiration haletante, est franchement réussi. James Wan n'est plus là, mais paradoxalement, son absence à permis à Insidious de se revigorer, de laisser la main à un autre metteur-en-scène, proche de la saga, qui souhaitait y insuffler une poignée de nouvelles idées.


Je ne vais pas faire l'effort de développer sur Insidious : La Dernière Clé, car là où j'estime que le troisième opus avait été réalisé par une personnalité proche de Wan, qui comprenait son style et sa façon d'approcher l'horreur et le spectacle, ce n'est pas le cas d'Adam Robitel. Leigh Wannell est toujours au scénario, mais on sent bien que la saga arrive dans une impasse, et s'efforce de vampiriser le personnage d'Elise pour essayer de durer. Ce quatrième opus est un pur produit de consommation, qui à défaut d'être effrayant, n'est jamais amusant.

On pensait donc la saga enterrée (du moins jusqu'à ce Blum décrète que ce soit l'heure d'un reboot), jusqu'à ce que Patrick Wilson, l'interprète de Josh Lambert dans les deux premiers films, soit annoncé comme le réalisateur d'un cinquième opus, qui conclura le parcours de la famille Lambert, si celui-ci n'était déjà pas achevé à la fin du second opus.


Ma critique d'Insidious : The Red Door pourrait tenir en deux lignes.

Je pourrais vous dire que j'ai passé un bon moment, que le film tient correctement ses promesses et n'entend pas réinventer le genre, mais au vu des faibles retours que le long-métrage est en train d'essuyer, je crois que je vais développer mon propos.

Certes, Patrick Wilson manque beaucoup de pêche dans sa réalisation, qui reste souvent trop molle pour le spectacle qu'est d'ordinaire censé offrir un film Insidious. En revanche, il me semble qu'il a bien compris, durant plusieurs scènes, la façon avec laquelle James Wan organisait la progression de ses scènes d'épouvante. Il a fréquemment recours à des plans fixes, où un objet visible en arrière-plan va peu à peu se transformer, de sorte que le public ne remarque ce changement qu'à mi-parcours, et comprenne que quelque chose de sinistre se joue au nez et à la barbe des personnages. Je pense évidemment à la discussion SMS dans la voiture au début du film, ou encore à la scène de la guirlande, très simple, mais terriblement amusante. D'autre part, si on passe outre son final trop vite expédié, je trouve le scénario du film vraiment bon, en ceci qu'il traite intelligemment, et avec un recul nécessaire, des événements des deux premiers films.

Le divorce de Josh et Renai était inévitable au vu de ce que leur famille a traversée, et des tensions ne pouvaient qu'apparaître entre Dalton et son père. De même, l'idée de faire de Dalton un artiste, qui accède à l'au-delà en se plongeant corps et âme dans ses peintures, est une réelle bonne idée, peut-être trop sous-exploité. La recollection de ses souvenirs et de ses traumatismes s'effectue ainsi par une sorte de transe, dans laquelle sa professeure de dessin souhaite le placer. Le personnage étant devenu un jeune homme, mais aussi un étudiant, il me semble également que le film a manqué une occasion en or de réintroduire ses pouvoirs de projection astrale.

Lorsqu'il se rend à une fête donnée par d'autres étudiants, il aurait été ingénieux que Dalton découvre à nouveau ses facultés surnaturelles en étant sous l'emprise de l'alcool, ou même du cannabis. La scène aurait pu s'articuler en deux temps : lui qui pense être en train de planer, puis qui se rend compte qu'il a effectivement quitté son enveloppe terrestre, et se trouve alors dans l'au-delà. C'est vraiment le personnage de Dalton, incarné avec conviction par un Ty Simpkins grandi, qui donne selon moi toute la qualité du film. Patrick Wilson s'en sort très bien également, et sa double casquette d'acteur/réalisateur n'est pas des plus simples à porter, mais je regrette que le film ne se soit pas articuler essentiellement autour de Dalton. Toutefois, si le film avait été ainsi, il aurait manqué plusieurs scènes assez émouvantes entre Josh et son fils. Des retrouvailles très convenues et pathétiques, on s'entend, mais qui m'ont cependant touchées.


Ce Insidious : The Red Door est le véritable opus qui aurait dû conclure la trilogie en 2015, à la place d'un préquel réussi, mais trop à part malgré lui.

Une fin de parcours satisfaisante pour les Lambert, même si je déplore un climax très expéditif, et plusieurs idées intéressantes qui ont malheureusement été traitées de manière trop superficielles.

LounisBrl
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le 7 juil. 2023

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LounisBrl

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