Smile
5.5
Smile

Film de Parker Finn (2022)

La bande-annonce de Smile avait ceci d'intéressant que durant sa majeure partie, on pouvait s'attendre à un film d'horreur hollywoodien bien troussé, plutôt réussi et angoissant, mais malheureusement dans la lignée d'un film comme Dans le noir ou que d'autres productions Blumhouse ; des objets cinématographiques assez tièdes, manquant cruellement de radicalité et d'une certaine inventivité dans leur mise en scène.

Sauf que dans les dernières secondes de ladite bande-annonce intervient un plan, un jump-scare en l'occurrence, absolument brillant. Une image aussi surprenante qu'effroyable : celle d'une silhouette humaine dont la nuque se tord dans un angle impossible et hideux pour fixer le protagoniste. Smile aurait pu se satisfaire de ce seul plan pour attirer le spectateur en salle, puis sombrer dans l'indifférence générale, car comme beaucoup de ses comparses, le reste du long-métrage aurait pu, par la suite, se révéler incapable d'égaler cette fugurance.

Mais à mon plus grand plaisir, Smile est film adroit, qui traite son sujet et sa mise en scène avec un sérieux exemplaire.

Parker Finn, qui réalise ici son premier long-métrage, n'a aucunement la prétention de réinventer le genre ou d'en transcender les codes. Les influences dans lesquelles il a puisé sont assez explicite : le concept du film évoque celui d'It Follows, tandis que son récit, sa manière d'introduire sa créature rappelle évidemment Les Griffes de la nuit. Cette manière de ménager les sursauts et de sculpter des scènes d'une violence graphique sidérante convoque vite le travail de Wes Craven. Une autre scène par exemple, tant dans la réplique prononcée que dans le plan montré, semble calquée sur un passage iconique du Ring de Gore Verbinski. Emprunter aux meilleurs, c'est une chose, mais tenir son spectateur en haleine pendant pratiquement deux heures, c'est une autre épreuve. La plus grande réussite de Smile, à mon sens, c'est qu'en dépit d'une histoire déjà connue, aux archétypes et lieux communs usés, il fait preuve d'une véritable audacité plastique et stylistique. Il n'élude pas ses scènes de carnage, souvent éparses, il les exposent frontalement non seulement à Rose, la protagoniste, mais à son spectateur, dans une sorte de sinistre memento mori. Voir une jeune femme se trancher lentement la gorge en arborant un sourire carnassier est non seulement une image horrible, mais c'est aussi un avant-goût du sort terrible qui attend Rose si elle ne trouve pas un moyen de rompre la malédiction dont elle est victime. Ce qui différencie le long-métrage de l'écurie James Wan ou Blumhouse à mon sens, c'est qu'il n'est pas pensé comme un divertissement grand public à l'esthétique lugubre, mais comme une véritable oeuvre de terreur. Parker Finn rappelle à beaucoup que le but premier d'un film d'horreur est d'empêcher son spectateur de dormir tranquille, et son utilisation minutieuse du jump-scare en est assez révélatrice.

Prenez le premier Conjuring par exemple, et soyez attentifs à la scène de l'armoire qui constitue l'un des plus illustres sursauts du film : https://www.youtube.com/watch?v=YjSxvV6Uk8k

Durant cette séquence, James Wan n'a aucun problème à instaurer une tension et à déjouer les attentes de son spectateur pour mieux le faire sursauter au moment opportun. La scène fonctionne, sa construction est habile, mais narrativement, elle n'a cependant aucune incidence sur les protagonistes ou le reste du récit. La petite fille n'est pas blessée ou tuée par la créature qui fond sur elle. Ainsi, en dehors d'une réussite stylistique, ce jump-scare n'a aucune utilité hormis faire bondir le spectateur de son siège pendant quelques secondes. Et ce problème se retrouve dans quantité d'autres long-métrages, bons comme mauvais. Le problème principal du jump-scare, c'est qu'il me semble trop souvent employé à nulle autre fin que de garder le spectateur attentif, et ceci le rend à la longue très pénible. Nous ne redoutons plus tant l'apparition de la créature ou de la menace que l'éclat sonore qui va nous arracher les tympans après un long moment de silence. Pour en revenir à Smile, le moindre jump-scare fonctionne car chaque apparition de la menace présage un dessein épouvantable auquel nous ne souhaitons pas assister. Chaque fois que Parker Finn l'utilise, on craint de voir ce qui va nous surgir au visage, parce qu'on sait que l'héroïne est effectivement en danger de mort.

Smile n'est pas un film pensé comme une attraction, comme un train fantôme que l'on emprunterait pour frissonner et que l'on oublierait sitôt quitté.

Smile est un vrai film d'horreur. Un film qui multiplie les malaises, les visions dérangeantes et qui n'a pas peur d'aborder certains tabous, comme le fait de traumatiser un enfant le jour de son anniversaire. Un film qui, comble de sa réussite, parvient à ne pas sombrer dans le ridicule lorsqu'il matérialise enfin son antagoniste. En dépit d'une apparence assez convenue, que je ne dévoilerais toutefois pas ici, la créature du film est à la hauteur de l'angoisse qu'elle diffuse tout au long du récit.

Allez, j'ose, au risque de me faire incendier, Smile est peut-être le meilleur film d'horreur grand public (j'exclus volontairement Ari Aster, Robert Eggers et d'autres pontes de l'Elevated Horror) depuis Sinister de Scott Derrickson. Un autre film, fêtant cette année ses dix ans, qui malgré ses quelques lacunes, n'avait lui-aussi pas peur de bousculer son spectateur et de lui laisser une sensation proprement inconfortable à l'issue de la séance.

LounisBrl
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le 30 mars 2023

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LounisBrl

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