Dans une uchronie, la Corée du Nord et du Sud se réunissent en une seule nation pour affronter des menaces géopolitiques, mais des terroristes ne veulent pas de cette réunification. Le gouvernement crée alors des troupes de choc, l’Unité Spéciale, pour les affronter. Mais, au cours d’une opération, des civils sont massacrés par erreur.
Mamoru Oshii a créé le manga Kerberos Panzer Cop dans les années 80 et a continué à écrire son histoire jusque dans les années 2000. Il en a fait un film, Stray dogs, en 1991. En 1998 Mamoru Oshii a scénarisé une autre adaptation en animé, Jin Roh, réalisée par un inconnu (qui depuis, s’est illustré avec Lettre à Momo) et cette version a obtenu un franc succès.
Kim Jee-woon est un vétéran du cinéma qui a réalisé, entre autres, Le Bon, la Brute et le Cinglé. Impressionné par Jin Roh, il a décidé de l’adapter en film. Pour cela, il a embauché 3 stars coréennes, Kang Dong-won (rôle-titre dans Woochi, le magicien des temps modernes), Han Hyo-joo et Jeong Woo-seong (qui justement a joué avec ce réalisateur dans Le Bon, la Brute et le Cinglé).
Kim Jee-woon a modifié le monde pour le faire coller à la Corée et à son rêve de réunification. Il a également changé le scénario en ajoutant notamment une happy end. En revanche, Kim Jee-woon a conservé l’esthétique des Kerberos et surtout leur terrible MG-42. Même le physique du héros est respecté. L’histoire évolue entre enquêtes, intrigues de services secrets et corruption politique dans laquelle la romance conserve tout de même une place de choix. Le parallèle avec le conte du Petit chaperon rouge est un peu tenu, le grand méchant loup ne manifestant à aucun moment l’envie de dévorer sa proie. Quant à l’allégorie sexuelle (qui est le fondement de ce conte du XVIII siècle), elle est hors propos, car les protagonistes sont trentenaires et (je le suppose) plus du tout vierges. Mais, malgré ces particularités, le père originel des Kerberos a apprécié et validé le film.
Le monde de Illang est bien ficelé et confronte de grands écarts sociaux avec un chaos politique. Le jeu des acteurs est un peu figé, pétri de gravité et de retenue, mais cela rend certaines scènes d’autant plus dramatiques (entre Joong-kyeong et Yoon-hee ou lors des confrontations avec Jin-tae). Seul le méchant, Sang-woo, est grimacier et gesticuleur. Les scènes d’action sont bien faites et suffisamment réalistes pour qu’on y croit (modulo le défonçage de murs à coups de tête).
Si cette fascination pour les SS peut nous sembler inconvenante à nous autres Européens, elle est compréhensible venant de pays si éloignés culturellement et force est de constater que le manga original est si passionnant qu’il en est à sa 3ème adaptation. Cette version-ci est excellente, bien qu’elle ne présente pas assez le dilemme originel du guerrier déshumanisé qui se transforme en prédateur. À voir pour les cinéphiles et les fans de Mamoru Oshii.