Parmi les trois « Netflix Originals » du mois d’octobre, Apostle était entièrement original, le scénario d’Un 22 juillet était écrit par Paul Greengrass, mais s’appuyait sur un livre de non-fiction et des faits évidemment réels. Illang est éminemment moins personnel, puisqu’il s’agit du remake live du dessin animé japonais Jin-Roh, réalisé en 1999 par Hiroyuki Okiura. L’un de mes films préférés, dont j’avais déjà parlé longuement ici. Le projet a donc un triple-intérêt : le passage de l’animation aux prises de vue réelles, le déplacement de l’action en Corée du Sud, et sa réalisation par Kim Jee-woon, l’homme derrière des films aussi cultes que Two Sisters (très apprécié par notre rédactrice Caduce), Le Bon, la Brute et le Cinglé et J’ai rencontré le Diable. Or il fallait un réalisateur avec une véritable patte, une personnalité créative, une incisivité historique, pour reprendre un sujet aussi complexe que celui de Jin-Roh.


L’action a donc lieu dans une Corée unifiée, menacée par les autres puissances qui redoutent l’avènement d’une nouvelle puissance économique, et en proie à de graves crises internes. La précarité a en effet rendu une grande partie de la population hostile à la réunification (ce qui peut nous rappeler quelque chose de plus local…), et son hostilité est particulièrement représentée par un groupuscule terroriste, la Secte, contre lequel la police a créé une unité anti-terroriste aux pouvoirs étendus, et particulièrement impopulaire, au sein de laquelle une bavure semble avoir fait naître une mystérieuse Brigade des loups, force secrète dans la force secrète.


Après avoir refusé de tuer une terroriste dont la jeunesse l’effrayait, un membre de cette brigade se retrouve au cœur d’une machination ourdie par plusieurs puissances politiques, militaires et policières, dont il lui faudra se dépêtrer au risque de dévoiler qui il est vraiment, ou de perdre son humanité. Comme le dessin animé, Illang éblouit par la densité de l’univers qu’il définit dans ses quelques premières minutes, et dont il ne va pas tant éclairer que dérouler les ramifications, même si le réalisme du contexte en rend les enjeux plus confus que dans Jin-Roh, où l’intrigue se déroulait dans une uchronie, plus propice au resserrement psychologique plutôt que réellement politique.


Manifestement, Kim Jee-woon, épaulé par son co-scénariste Jeon Cheol-hong, a pressenti que ces intrications, couplées au hiératisme de personnages dissimulant leurs pensées et leurs émotions, rendrait l’assimilation du film difficile par les spectateurs, au point de préférer une surexplicitation nuisible. On parle beaucoup dans Illang, surtout pour livrer ses intentions ou formuler de grandes phrases, bref on s’exprime beaucoup « comme dans un film », quand Jin-Roh était si taciturne que chaque parole émise par un personnage était un geste fort, pratiquement une péripétie, l’acte de parler ayant autant d’implications que le contenu de cette parole.


À opposer les deux œuvres, la subtilité de l’une, pourtant plus courte de vingt minutes, face au bruit de l’autre, est d’autant plus criante qu’Ilang est un remake scène par scène, parfois au plan près, de Jin-Roh, s’efforçant vainement de rivaliser avec la stylisation permise par le dessin. Celui-ci était presque « mauvais » dans l’orignal, souvent mal détaillé, minimaliste dans les physionomies, mais il en tirait une galerie de portraits très distinctive et une grande expressivité, quand le passage à la prise de vue réelle n’autorise pas la même clarté, ne manifeste pas la même maîtrise, ne parvient pas à la même beauté ou puissance, d’autant que le choix de l’interprète principal s’est porté sur l’ex-mannequin Gang Dong-won, un acteur qui échoue à transmettre la retenue émotionnelle et le charisme du personnage original.


La suite de me critique est disponible sur VonGuru : https://vonguru.fr/2018/11/01/illang-critique-du-netflix-original-qui-remake-lanime-culte-jin-roh/

XipeTotec
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le 1 nov. 2018

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