Alexei de gore il n'y a Guermanière de répondre par l'extase

J'ai vu ce film il y a de cela deux semaines déjà, un peu plus. Je ne sais pas pourquoi j'écris une critique maintenant. J'ai pourtant essayé d'oublier au plus vite l'épreuve que s'est avérée être cette séance, que j'ai d'ailleurs quittée avant son terme, c'est-à-dire au bout de 2h. C'est la première fois que je sors d'une salle de cinéma avant d'avoir vu la fin du film et, étrangement, j'en ai un peu honte. J'ai l'impression (je pense trompeuse, tout de même) de manquer de respect envers tous les gens qui ont bossé sur ce long-métrage complexe, résolument expérimental, bourré de prises de risques, animé d'une recherche perpétuelle du Beau dans le gore, le sale, le crade, le noir, la bave, la pisse, la boue, la flotte... Assister à ça, ce fut comme se mettre deux doigts dans la bouche pour tenter d'ajouter sa dose personnelle à tout cet amas de merde. Vous avez 2h50 pour purger votre corps et votre esprit.
Moi, j'en avais pas envie. Au bout de 2h, j'en pouvais plus qu'on me fasse humer cette putréfaction, qu'on me triture les méninges et qu'on m'écartèle les sens. J'avais besoin de sortir, de respirer, de retrouver le monde réel plutôt que de rester contempler cette planète noyée dans l'insalubrité telle qu'elle nous est présentée dans ce film.

Maaais, je m'en veux. Parce que je crois que ce sur quoi j'ai particulièrement buté, ce sont les dialogues. Ils n'ont pas le moindre sens, pas le moindre rapport avec les actions des personnages. Ainsi, l'un d'eux peut faire une remarque mystique, l'autre lui "répondre" pour évoquer quelque chose de plus mystique encore, et les deux nous achèvent enfin en accompagnant leurs réflexions obscures d'une action qu'elles ne laissaient nullement entrevoir.

Pour illustrer mon propos, je vous propose d'imaginer un Français observant deux Chinois parler dans un bain d'eau moussante, l'un se mordant le pied et l'autre tentant de lécher son coude.

Voilà ce que j'ai vu.

Mais je m'en veux d'être aussi obtus, à exiger absolument un minimum de logique dans le moindre dialogue dès que j'en entrevois un. S'accrocher sans cesse au rationnel est le meilleur moyen de passer à côté de l'extase que nous procure le Beau. L'art est justement ce qui permet de faire abstraction du rationnel, afin de laisser une place exclusive à la fantaisie, à l'imagination, à une liberté d'expression sans bornes, c'est-à-dire en explorant et exploitant ses recoins les plus inaccessibles et les plus délaissés, et non en jaugeant vainement ses limites par pure provocation.
Peut-être que même en taisant cette obsession du rationnel, j'aurais complètement rejeté ce film. Je l'aurais éventuellement trouvé hostile et n'ayant nulle place où mon imagination puisse se promener. Cependant, je ne peux m'empêcher de me demander ce que j'en aurais pensé, si j'avais su simplement apprécier la musique du langage, profiter des notes de la forme plutôt que de chercher à en analyser le fond. A ce moment là, j'aurais ouvert la porte de l'imaginaire du film, et alors, je les aurais peut-être vus, ces dieux.
Fanore
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le 12 mars 2015

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Fanore

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