Josef Mysliveček : bohémien oublié

Le premier enseignement du film c’est que tout cultivé que l’on croit être, on ne sait en définitive pas grand-chose. Il Boemo est une fresque biographique remarquable, une éthopée pour ainsi dire, qui retrace la vie d’un compositeur extraordinaire : Josef Mysliveček, né en Bohême, ayant vécu toute sa carrière dans la constellation d’États qui constituaient l’Italie d’alors et tombé après sa mort dans un oubli quasi-total, même dans sa propre patrie.

Vojtěch Dyk qui tient le rôle du Divino Boemo crédibilise par sa performance d’acteur tout le scénario de ce film tchèco-slovaquo-italien réalisé par Petr Václav. D’abord, avis féminin tout à fait subjectif, il est extrêmement beau et élégant. Ensuite, il réussit à composer un jeu juste pour chacun des épisodes de la vie du compositeur que recrée ce biopic. Il est servi dans cette affaire par une mise en scène : décor, costumes, photographie, lumière, particulièrement soignée. Dans ces royaumes, principautés, et autres formats, italiens du XVIIIème, entre le vice libertin développé à l’extrême et la vertu religieuse et morale, marginalisée jusqu’à l’exception, où la musique joue un rôle éminent d’instrument politique et social, Josef Mysliveček parvient à se hisser à la première place  

Ce que le film mène parfaitement à bien, c’est la restitution des enjeux politiques, sociaux, artistiques et domestiques de ce siècle ; combien la vie, autant privée, quotidienne que publique, politique, était ardue et fragile. À cet égard, le regard porté sur la fin tragique du compositeur, atteint de syphilis, témoigne des impacts de la disgrâce sur la destinée des artistes : Mysliveček mourra seul et dans une grande pauvreté. 

En 1770, à Bologne, le Divino Boemo rencontre le jeune Wolfgang Amadeus Mozart alors âgé de 14 ans. L’estime du jeune prodige autrichien pour son aîné était grande et influencera intensément l’ensemble de son œuvre, au point que lui seront attribuées par erreur certaines des œuvres du Bohémien. Dans la scène de leur rencontre, à la lueur des chandelles, avec un récital à quatre mains émouvant, c’est le jeune Philip Hahn qui tient le rôle de Mozart. Il joue à la perfection la maturité et la science musicale que pouvait atteindre un adolescent de cette époque-là. Avec Vojtěch Dyk, les deux acteurs montrent le respect mutuel dont ont pu s’entretenir ces deux génies de la musique de l’époque, quoique leur accès et leur initiation à cet Art aient été de natures radicalement différentes. 

Ce film est une authentique réussite, l’émotion y est palpable du début à la fin. Pour un peu, même assis dans son siège, on dirigerait tout un orchestre et une diva capricieuse, on aimerait chastement une ravissante comtesse, on mourrait seul, abandonné et de souffrances extrêmes dans un logis misérable et glacé. Reste désormais, toutes les compositions de Mysliveček à écouter pour réchauffer, ressusciter son âme injustement oubliée.

GuillemetteC
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le 25 juin 2023

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