En l'espace de deux films qui ponctuent de la plus belle manière sa carrière, le japonais Kore-Eda Hirokazu s'impose comme un des cinéastes majeurs et contemporains capables de mettre en scène l'enfance, de traiter à part entière ses très jeunes héros et de capter avec justesse et délicatesse les émotions multiples de cet âge. Déjà, en 2004, le cinéaste japonais et quinquagénaire nous avait époustouflés avec le merveilleux Nobody Knows, récit tragique et bouleversant de quatre enfants abandonnés par leur mère. Inspiré d'un fait divers, le film entièrement resserré sur le quatuor d'enfants livrés à eux-mêmes s'était notamment distingué par le regard incroyablement précis et doux qu'il portait sur eux. Huit ans plus tard, on retrouve cette même osmose dans I Wish, œuvre en apparence plus anodine, moins porteuse de tragédie. En apparence seulement puisque cela reviendrait en quelque sorte à établir une hiérarchie dans les drames.

Pour Koichi et Ryunosuke, deux frères séparés suite au divorce de leurs parents, l'éclatement de la cellule familiale constitue bel et bien un cataclysme, du moins pour l'aîné, Koichi, resté avec sa mère de retour chez ses propres parents, alors que le cadet confié à la garde d'un père musicien de rock semble mieux s'accommoder de la vie bohême et sans contraintes qui lui est offerte – sans doute aussi parce qu'il est encore trop jeune pour saisir les enjeux de la séparation. La prochaine ouverture de la ligne ferroviaire à grande vitesse devant relier les deux villes opposées de l'île, où habite chacun des deux frères, va donner lieu à un projet fou et idéaliste visant à profiter de l'énergie produite par le croisement des trains propulsés à 260 km/h censée exaucer les vœux des frères et de leurs camarades. Avant de mettre à exécution cet étrange plan, les enfants sont déjà observés de part et d'autre par le réalisateur. Une observation peut-être un peu longue dont le principal intérêt est de mettre en exergue les différences de tempérament entre le réfléchi et sage Koichi d'un côté, et l'exubérant et joyeux Ryunosuke de l'autre. En même temps, pour nous spectateurs occidentaux, cela permet également de mesurer la place faite à l'enfant dans la société nippone, dont le respect des adultes et la bonne éducation laissent pour le moins songeur. Comme la plupart du temps, en dépit des situations compliquées – le divorce, mais aussi la promiscuité intergénérationnelle et l'exigüité des lieux -, on est étonnés par l'atmosphère générale de sérénité et d'apaisement qui se dégage de l'ensemble.

Au fur et à mesure qu'il tient à distance les adultes, dont certains s'avèrent de précieux alliés pour la concrétisation de l'escapade des sept enfants, le film devient tendre et émouvant, suivant avec attention et grâce les pérégrinations pleines de fantaisie des frères et de leurs amis. Comment ne pas être touché par une œuvre qui croit en la puissance des rêves et la possibilité des miracles. On voit bien comment le film prend petit à petit l'aspect d'un conte, notamment quand les sept fugitifs croisent le chemin d'un couple âgé qui les héberge, les nourrit et les guide vers l'endroit le plus opportun pour planter leur bannière sur laquelle ils ont peint en couleurs vives leur souhait le plus profond. Avec tant de générosité et d'affection, le réalisateur de Still Walking signe grâce à une mise en scène fluide et légère une magnifique et poignante ode au mystère de l'enfance et destine du coup son film à tout public.
PatrickBraganti
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le 25 avr. 2012

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