De tous les films de science-fiction en voilà qui n’a finalement de SF que son contexte : c’est à dire le futur proche au cours duquel il se déroule et ses appareils connectés qui semblent avoir pris le pas sur beaucoup de choses. Car en dehors de cela, « Her » s’avère être une romance et une jolie réflexion sur les relations humaines. Alors pourquoi en parler ici me direz-vous ? Parce que ce qui est intéressant dans ce film c’est qu’à tout moment on espère qu’un futur comme celui-ci n’arrivera jamais et pourtant en y réfléchissant à tête reposée, nous y allons quand même tout droit. Avec les interfaces et objets connectés qui font progressivement intrusion dans nos vies (bracelets de gestion de notre « life style », montres connectées se substituant parfois à notre smartphone, consoles de jeu, services en ligne géolocalisés) il n’est finalement pas difficile d’imaginer que dans quelques années notre téléphone sera remplacé par une oreillette qui nous donnera du contenu en fonction de notre position et qui nous permettra d’organiser notre quotidien. Car la tendance est bien à aider l’utilisateur à prendre en main son quotidien, à être son coach moderne. Finis les appareils qui nous obligeaient à aller chercher du contenu (pull) maintenant le contenu nous est suggéré (push) jusque dans nos menus de repas du soir. Finis les appareils voyants qui font chacun quelque chose, tout est concentré dans un seul appareil, les bureaux sont épurés et la technologie est la moins visible possible. Faciliter le quotidien, donner envie, proposer du contenu, c’est ce que met en scène « Her » et le film part du postulat que la relation humaine sera de plus en plus complexe, pesante, chiante. La rencontre amoureuse en elle même sera délicate et on le voit déjà avec l’explosion des sites de rencontres pour tous les profils possibles et imaginables. C’est là que l’intelligence artificielle Samantha (sorte de Siri ultramoderne) intervient avec sa nouveauté, sa fraîcheur et sa capacité à ressentir des émotions. Elle va bouleverser le personnage principal qui est lui même bien cabossé dans sa vie et à bout de souffle. Ensemble ils vont s’émerveiller, se découvrir, s’aimer, aller vers des choses simples, se reconnecter avec le réel dans une société qui finalement accepte ces couples atypiques. Nous ne sommes pas obligés d’y croire et il est peut être mieux de ne pas espérer voir cette évolution de notre société mais par des interfaces simples et une logique implacable, Spike Jonze a donné une âme visionnaire à son film un peu comme « 2001 L’Odyssée de l’espace » a pu le faire en son temps.
La relation entre Theodore et Samantha (son intelligence artificielle personnalisée) connaît les tourments et la fin que l’on anticipe facilement dès le départ car une relation amoureuse est-elle possible sans contact physique ? Sans rapport sexuel (du moins autre que du cybersexe) ? Sans voir, sans sentir, sans physiquement être aux côtés de l’autre ? Le film apporte sa réponse mais le spectateur peut aussi se faire sa propre idée sur la question. À aucun moment les personnages ne se retrouvent stigmatisés ou jugés, on se laisse tout simplement submerger par leurs émotions.
Le film est esthétiquement très beau, peut être un peu trop et je regrette simplement qu’il soit parfois une jolie carte postale trop léchée au détriment d’un scénario vraiment plus élaboré, mais c’est tout de même un beau moment de cinéma. Joaquin Phoenix est merveilleux, incroyablement beau (oui même avec cette moustache) et m’a retourné les tripes, ses moments avec Amy Adams sont d’ailleurs très touchants. Scarlett Johansson qui prête uniquement sa voix au film a réussi elle aussi une belle prestation puisque les deux acteurs principaux ne se font jamais face. Il est probable qu’en sortant de la diffusion vous ayez envie de serrer très fort la main de votre être aimé. Et plus si affinités.