La solitude de l'homme moderne
J'ai été complètement happée par le scénario et la bande annonce de ce film. Je savais que j'allais voir un film à part, le genre de film ovni qui vous fait encore plus aimer le cinéma. J'avais également lu et entendu à la radio d'excellentes chroniques sur lui et vous savez ce que l'on dit, quand on a trop d'attente, plus dure est la chute.
Alors comment fut la chute dans mon cas? Douce, extrêmement douce! Je n'ai pas du tout été déçue et je suis ressortie de la salle après 2 heures, complètement sonnée. Sonnée par l'ambiance, par la puissance du message porté par ce film et surtout sonnée visuellement.
Visuellement, parlons en en premier lieu, "Her" est un bijou. Téléportez moi dans l'époque du film et niveau déco je serai au nirvana! Les décors sont superbes, entre technologies que nous ne connaissons pas encore ou seulement les prémices et un côté vintage épuré très scandinave dans l'esprit. Une sorte de rétro-futurisme qui prendrait sa source dans les années 2000 et serait influencé par l'architecture, le design et la mode des années 50/60. Un petit côté Mad Men des années 2050 en quelque sorte. On est ici bien loin de ce qu'on peut voir d'ordinaire dans les films SF, visuellement très colorés et denses. Rien ne vient agresser le spectateur qui se retrouve bercé lui aussi par la voix de Scarlett Johansson. Les couleurs sont douces et chaudes, l'ambiance est apaisante et sereine... Un paradis de futur? Pas tout à fait car le prix à payer est grand.
Ce qui ressort de "Her" c'est une profonde solitude. Les hommes n'ont que très peu de contact les uns avec les autres. Ils ne semblent pas en souffrir mais dans chaque plan j'ai senti une blessure latente. Ils se croisent sans cesse sans se voir, n'apportent que très peu de considération à ses semblables (ils n'écrivent même plus leurs propres lettres d'amour). Lorsque Theodore commence à éprouver des sentiments pour Samantha, lorsqu'il prend conscience qu'il en tombe amoureux, on ne peut s'empêcher de penser que Samantha n'est pas une femme "comme les autres". Cet amour naissant est voué à l'échec, Samantha n'étant qu'un OS. OK ce n'est pas un programme quelconque, il évolue avec le temps et ses "expériences" mais comment faire sa vie avec un programme?
Certains peuvent considérer que l'amour est une sorte d'aliénation. Ici, elle prend tout son sens même si paradoxalement cet amour va aider Theodore à se reconstruire, à refaire surface et à ouvrir son coeur.
J'ai aimé ce film mais j'en suis sortie assez déprimée, voyant du pathétique là où d'autres verraient de la tendresse. J'ai été touché par le personnage de Theodore, si ancré dans son époque, malheureux et seul, ayant des amis mais ne trouvant un semblant de réconfort que dans des univers artificiels, la technologie moderne en premier plan... Une dérive vers laquelle notre civilisation va tout droit... Scarlett Johansson quant à elle crève l'écran par sa voix. Sans être présente physiquement, elle est partout, sa voix emplissant chaque seconde de solitude.
En résumé, "Her" est un très beau film que je vous conseille vivement de voir. Joaquim Phoenix est époustouflant et nous fait vivre avec lui la moindre des émotions de son personnage. Des émotions qui nous font nous interroger sur nos vies, nos peurs et nos souffrances. Préparez les mouchoirs pour la fin (et pas forcément pour les raisons que l'on pourrait attendre...)