Voir la bande-annonce de Her, il y a même pas une semaine, m'a convaincu que j'irai le voir au cinéma. Le concept du film est intriguant, il est question d'un homme qui tombe amoureux d'une femme virtuelle, et la bande-annonce donnait l'idée que c'était traité avec soin et une grande sensibilité. Si la BA m'a donné cette sensation, je ne pouvais attendre de voir ce qu'allait donner le film.

Theodore est un auteur de lettres, qu'il rédige au sein d'une compagnie spécialisée, pour les gens qui ne trouvent pas les mots pour s'adresser aux êtres qui leur sont chers. Theodore est bon dans ce qu'il fait, il arrive à écrire des lettres d'amour qui émeuvent ses collègues, mais en réalité, Theodore est un homme seul.
Spike Jonze arrive déjà à tenir un propos pertinent sur la société d'aujourd'hui, même si son film se déroule dans le futur, la situation de Theodore faisant écho à la vision de l'avenir que nous propose le réalisateur : tout le monde est équipé d'une oreillette multi-fonctions, qui permet notamment de lire des mails ou les infos, et le paradoxe c'est que les gens cherchent à se connecter entre eux, tout en restant isolés.
Theodore se connecte un soir sur un chat avec des femmes seules, et là… débarque un humour malvenu. Le héros discute avec une certaine "Sexy Kitten", qui prend son pied en imaginant se faire étrangler avec un chat mort. C’est lourd et corrompt ce que le film établissait jusque là avec une certaine délicatesse.
Dans ce monde, la première personne avec qui on voit Theodore communiquer réellement, c’est le programme d’installation de son système d’exploitation. Pour que l’OS soit adapté à son utilisateur, l’ordinateur pose des questions personnelles au protagoniste, et on sent qu’il peut enfin en profiter pour se livrer.
Je pensais que Theodore installerait un programme spécialement conçu pour les gens seuls, mais en fait il s’agit d’un système d’exploitation ultra-sophistiqué ; le fait qu’établir une relation amoureuse avec l’utilisateur ne soit pas la fonction du programme est encore mieux.
Dans Her, en fait, tous les êtres virtuels semblent avoir une conscience, même les personnages de jeux vidéo. Il y a une idée sympa de dialogue entre Theodore, un personnage d’un jeu, et l’OS, mais là encore on retrouve un humour lourd ; en fait ce ne sont pas des blagues vulgaires (ça ne me poserait pas de problème), mais de la vulgarité gratuite qu’on fait passer pour de l’humour.

Malgré ces erreurs, le film parvient à avoir des moments touchants, en grande partie grâce au jeu des acteurs, convaincaint. Joaquin Phoenix est métamorphosé en un type un peu coincé, malhabile, et le talent de Scarlett Johansson m’est enfin apparu dans ce film, où elle doit tout exprimer uniquement avec ses intonations.
Il faut aussi avouer que le duo livre le texte d’un scénariste qui sait trouver les bons mots, quand il faut. Theodore, expliquant à Samantha, son OS, sa relation avec son ex : "j’attends de ne plus l’aimer". C’est tellement simple, mais ça ne pourrait être mieux exprimé.
Samantha voulant savoir ce que c’est que d’être vivant fait que Theodore doit tout lui expliquer, lui parler de ses pensées et de ses sentiments de façon très analytique, ce qui donne des remarques putain de géniales.
Samantha découvre le monde, et grâce à elle, Theodore peut aussi poser dessus un regard nouveau. Il y a une scène pas mal où, en voyant un couple, il essaye de deviner qui ils sont, quels sont leurs rapports. Il s’imagine que la femme a toujours été avec des connards, que le couple s’est formé depuis peu, vu la distance entre l’homme et les enfants de sa compagne, etc.
Grâce à des amis, Theodore rencontre, finalement, une femme, en vrai. Elle se révèle plutôt étrange par son insécurité, et pousse ainsi Theodore à retourner vers Samantha, ce qui, forcément, n’est pas sain, celle-ci ayant été réglée pour être adaptée à Theodore, et puis il ne s’agit pas d’une femme réelle, tout simplement.
Le héros engage une sorte de relation avec son OS, et il est à la fois awkward et plutôt amusant de retrouver avec eux les situations-types d’un début de relation… sauf que là, c’est entre un homme et un ordi.
Pour développer l’univers du film ainsi que l’histoire, Spike Jonze a l’idée d’un service d’assistance sexuelle pour les couples humain-OS. Theodore accueille chez lui une fille qui est censée incarner Samantha, la séquence est très glauque, mais intéressante car l’attitude de l’inconnue exploite de façon nouvelle le thème abordé dès le début, et montre encore comme une trop grande place de la technologie dans nos vies peut créer des êtres dysfonctionnels : la fille prétend avoir été touchée par l’histoire de Samantha et Theodore, et avoir voulu connaître la pureté d’une telle relation. Là encore, on trouve un personnage qui opte pour la facilité en se contentant d’un substitut à ce qu’elle recherche.

La mise en scène de Spike Jonze est simple, mais transmet parfois beaucoup tout de même. Lorsque Theodore revoit son ex, on a droit à des flashbacks de leurs moments heureux, sans son, juste le bruit, dans le présent, du stylo sur les papiers de divorce. C’est simple mais évocateur, sur les plans du visage de Theodore, qui essaye de cacher sa douleur, on dirait le bruit de son cœur qui se déchire.
L’une des originalités de la mise en scène, c’est l’intégration de la musique dans l’histoire du couple, Samantha composant des morceaux de piano pour Theodore, dont un qui pallie l’impossibilité de prendre une photo d’eux.
Il y a de beaux moments dans Her, comme celui-là, mais ils sont épars, et sur les 2h de film, j’ai eu le temps de m’ennuyer ; au bout d’une heure je regardais déjà ma montre.
La conclusion de la romance entre Theodore et Samantha est simple, mais ce que j’ai trouvé plus intéressant, c’est la façon dont on montre que le héros a avancé.
Je suis quand même assez déçu par Her. A vrai dire, la bande-annonce m’avait ému, et j’espérais que le film apporte encore plus…

Créée

le 17 mars 2014

Critique lue 712 fois

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Wykydtron IV

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