Heimat : Chronique d'un rêve / L'Exode par ArthurPorto

Au temps où les Allemands émigraient!
Ce film, Heimat (4), est en réalité le «premier». Le réalisateur a d'abord fait une saga-trilogie qui couvre la chronique allemande de 1919 à 2000 (ce qui correspond à presque cinquante heures de cinéma, et qui a été un succès cinématographique et télévisuel en Allemagne). Edgar Reitz nous présente aujourd'hui, après son succès à la Mostra de Venise 2013, la «chronique d'un rêve et l'exode» qui se déroule en 1842-1844. N'ayant pas vu les premiers, j'ai été pris par l'histoire de la famille Simon, dans l'Allemagne du XIXème siècle, le village de Schabbach où ses habitants vivent très pauvrement, très loin de tout, à la fois travailleurs de la terre mais aussi les artisans des outils de leur office (forgeron, maréchal-ferrant, tanneur...)

C'est autour de la famille de forgeron, que Reitz nous fait découvrir la vie de ce village, et de leur quotidien, les intempéries qui détruisent les récoltes, les épidémies, l'arbitraire des petits nobles locaux, les malheurs successifs de leur «destinée» et leurs espoirs de partir vers «le soleil qui brille même à Noël» en parlant du Brésil, où les familles émigrent en masse à cette époque.

Et dans la famille Simon, il y a les deux fils qui ont appris à lire, Jakob et Gustav et la fille, Lena, exclue par son père car elle est tombée amoureuse d'un catholique, «crime» que son père protestant ne peut accepter. Si Gustav, de retour de la guerre se fera forgeron comme le père et se mariera comme il se doit, Jakob est tout le temps dans les livres, «bon à rien, qui a deux mains gauche», incompréhensible pour un père illettré, qui se bagarre tout le temps pour faire produire la terre ou cracher la forge.

Quatre heures de cinéma -en deux parties-, en noir et blanc (magnifique avec une luminosité rare), avec parfois des tonalités très réussies de couleur, comme le bleu des fleurs de lin, la pièce d'or, les symboles du drapeau. On est pris par la qualité de l'interprétation notamment de Jakob (Jan Dieter Schneider), à la fois naïf, un regard tendre de fou et déterminé dans sa recherche incessante de connaissance, faisant de l'ethnologie avant l'heure en apprenant les dialectes des indiens du Brésil.

Heinat, mot intraduisible en français, signifie le pays natal, le terroir d'origine, la maison de famille et justement Edgar Reitz nous montre ce lieu d'où on veut partir, qu'on a besoin de quitter pour mieux vivre. Jakob est tantôt cet espoir d'un ailleurs radieux et représente bien l'attachement à son lieu d'histoire.

C'est à remarquer aussi l'engagement de ce réalisateur qui, depuis plus de trente ans, accompagne, à travers l'évolution d'une famille (de sa famille), l'histoire de son pays mais, notamment dans ce film (le seul que j'ai vu), avec une liberté créatrice qui nous instruit sur ce pays si proche et si méconnu!
ArthurPorto
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le 22 oct. 2013

Modifiée

le 22 oct. 2013

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ArthurPorto

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