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C’est par un écran d’iPhone filmant et commentant l’agonie d’un hamster que s’ouvre le dernier film de Michael Haneke. Direct, brutal et sans concession, il n’est pas sans rappeler l’ouverture d’un de ses premiers films (Benny’s video). Le meurtre de l’animal sonne comme le présage des évènements à venir et devient l’acte qui justifie tout ceux qui suivront.
Dans son dernier film, Michael Haneke nous présente une jeune fille (Eve Laurent). Celle-ci, après une tentative d’assassinat sur sa mère va être hébergée par son père. Elle découvrira alors une société bourgeoise, névrosée, et perverse où la violence est insidieuse et le vice refoulé. Haneke nous livre ainsi une fable noire où l’on retrouve son sujet de prédilection : l’exploration d’une généalogie du mal dans nos sociétés contemporaines. C’est alors que ressurgit bon nombre de thèmes chers au réalisateur comme celui de la violence juvénile (Benny’s Video, Funny Games, Le ruban blanc) ou bien celui des pulsions sexuelles sadomasochistes (La Pianiste). On retrouve également un questionnement sur la place du point de vue et de l’image (Benny’s Video, Caché). On y voit ainsi un écran d’iPhone, plus loin, celui d’un ordinateur. L’écran efface alors toujours l’humain qui le contrôle, se substitue à ce dernier et nous questionne sur l’importance qu’il prend dans nos sociétés. Mais questionner la place de l’écran et de l’image qu’il renvoie, c’est aussi faire référence au cinéma lui-même et montrer qu’au fond tout cela n’est qu’illusion.
Finalement, Michael Haneke nous questionne toujours sur notre époque, sur les rapports que nous entretenons les uns par rapport aux autres. Car si l’homme est un loup pour l’homme chez Hobbes, il l’est également chez Haneke. Les rapports de violence et de domination qui régissent notre société se répercutent ainsi dans le microcosme familial (Le Troisième Continent). Ainsi, si la jeune fille de l’histoire perd tout sentiment et toute humanité, cela n’est encore une fois que le produit de la société dans laquelle elle évolue. C’est donc finalement à Allemagne année zéro que l’on peut penser, (un des films préférés de l’auteur d’ailleurs), où là aussi, l’enfant, fruit de la guerre, devient machine à tuer.
Au delà des questions que le film nous pose, il arrive également à nous troubler. Par l’attente, le plan fixe ou bien l’absence d’expression des acteurs, le film exerce une violence plus sur le spectateur que sur les personnages eux-mêmes. En effet, le plan fixe et le plan séquence nous enferme dans un seul espace. Ils nous imposent des images auxquelles nous ne pouvons pas échapper par un montage rapide. Haneke violente ici son spectateur pour mieux le questionner.
Il est donc bien simple pour une partie de la critique d’attaquer le réalisateur sur l’essence même de son cinéma, de se plaindre de l’attente, voire du sujet du film. Happy End de Michael Haneke n’est certes pas aussi fort que ses autres films, mais il a du moins le mérite de réunir en moins de deux heures les caractéristiques essentielles d’une filmographie abondante et riche.
Les adeptes du réalisateur retrouveront ainsi ce qui caractérise l’artiste, cet équilibre entre Hitchcock et Bresson, entre « une tension permanente et un immobilisme bressonien » pour reprendre les termes qu’Isabelle Huppert employait à propos du cinéaste (cahier du cinéma N° 723 juin 2016).
Armand_P
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le 9 juil. 2018

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Armand_P

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