Happy End a été fraîchement accueilli à Cannes. Haneke ne peut tout de même pas remporter une Palme d'Or à chaque fois qu'il concourt. Le film a tout pour déplaire à ceux qui n'aiment pas habituellement son cinéma puisqu'il en est une sorte de condensé, un Best of ou Worst of, c'est selon les goûts. A la façon d'un rongeur, et derrières des images douces et calmes, Haneke instille son venin (son cynisme diront certains) dès le début de Happy End dans une radiographie sombre d'une famille de grands bourgeois de Calais. Ce sont soit des monstres, soit des désabusés voire des suicidaires (les trois, c'est possible aussi), de la plus jeune (Fantine Harduin, une révélation) au plus âgé (Trintignant, impeccable). Une belle galerie de perturbés que, fidèle à son habitude, le cinéaste autrichien dissèque froidement, cliniquement, en lâchant quelques ricanements sardoniques, de temps à autre. Un humour dont on chercherait vainement un qualificatif pour le caractériser, au-delà de noir. Ce portrait de groupe avec failles est vaguement déplaisant par le plaisir évident qui est pris par Haneke à traquer la part animale de chacun des humains qu'il met en scène. C'est un éternel recommencement pour un réalisateur qui se recycle en permanence même si certains n'y verront que redite. Dans ce grand bal de l'hypocrisie, l'habituée Isabelle Huppert excelle et le nouveau Mathieu Kassovitz semble comme un poisson dans l'eau trouble. La violence, longtemps souterraine, se montre davantage dans les dernières scènes, elle n'en reste pas moins comme tamisée comme par une sorte de politesse assassine. On peut ne pas aimer du tout mais il faut reconnaître au cinéaste une maîtrise absolue dans cette façon d'enfoncer un clou sans relâche jusqu'à la saturation (et la libération ?). Cruel, même avec anesthésie !