D'une œuvre avortée, la faute à un contexte que l'ont ne connaît malheureusement que trop bien, Christophe Honoré parvient pourtant à créer quelque chose, un film pluriel, brouillon, un petit miracle, un tourbillon d'émotions, de rires et de pleurs, d'engueulades et de déclarations d'amour, de jeu comme comme de vrai, de drague et de caresses, à une période où tout cela est évidemment interdit. Honoré n'aura pas pu mettre en scène Proust avec la Comédie Française, mais il le fait pourtant, impertinemment, apposant le sceau de son verbe contemporain et de sa mise en scène référencée et homo-érotique au texte de l'écrivain.


Son film, puisque réponse au néant, est profondément vrai, élan de vie merveilleux là où tout est mort ou appelé à mourir, réjouissant par ses défauts, son improvisation (?) permanente, sa fiction entremêlée à l'autobiographie, au documentaire (menteur ?), au théâtre et à la réalité.
Christophe Honoré a donc le panache de livrer avec Guermantes un film proprement unique et (comme toujours avec lui) personnel, témoignage singulier d'une époque qui a brouillé les repères et qui n'est d'ailleurs pas toujours derrière nous, le tout dans une ambiance de joyeuse colonie de vacances, souvent puérile mais toujours juste, grâce à ses comédiens (et quels comédiens ! la Comédie Française, tout de même) qui se livrent, se moquent d'eux-mêmes, se dénudent, se cherchent, se trouvent, dans ce malicieux confinement théâtral qu'ils s'imposent.
Son film est charnel, érotique et toujours naïf (la séquence de nuit au théâtre est exceptionnelle).
A la croisée des genres et des esthétiques, de la fiction et du réel, Guermantes est un geste cinématographique élégant, qui semble continuellement et dans sa longueur hurler sa joie dans la détresse et son désir insatiable et tout puissant de créer, comme une mise en image de l'élan vital propre à Bergson et de la pulsion de vie chère à Schopenhauer, en plus d'être, et ce n'est pas pour déplaire, un joli et insolent pied de nez à la "distanciation sociale" qui est le cauchemar même de tout créateur et l'antithèse absolue de l'acte de jouer.
Christophe Honoré est donc un véritable créateur.

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le 29 sept. 2021

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Charles Dubois

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