"On t'emm**** Clarke !"

Film réellement louable ou exigences abaissées suite à mon sevrage cinématographique covidien ? Partant en salle avec des apprioris légèrement négatifs sur les films catastrophe en général, surtout en voyant Gérard Butler à l'affiche (me rappelant l'immonde Geostorm), Greenland fait étonnement dans la sobriété et la maîtrise dans à peu près tout le long du film, correspondant peu à la débauche d'effets spéciaux habituels.

Donc film catastrophe oui, mais centré sur l'aspect dramatique d'une possible mort prochaine. Dans cette optique, la première heure de film est sans conteste la meilleure du film, centrée sur les relations entre les membres de la famille Garrity, avec un Gérard Butler plus réservé et subtil que dans beaucoup d'autres de ses films. La mayonnaise prend bien, mention spéciale à la scène où les voisins de John se rendent compte que sa famille a été "choisie" : comment partir innocemment alors que tous ces visages sont livrés à une mort certaine ? L'aspect angoissant de la chose est plutôt bien tourné, même si les habituelles scènes de pillage de magasin auraient pu être évitées (cf la scène de la pharmacie me rappelant fortement celle de World War Z).

Ensuite, l'un des points forts de cette première partie se situe par rapport aux choix différenciés des humains face à l'apocalypse prochaine : prier ? se battre pour survivre quitte à en mourir ? boire une binouze sur les toits ? Je renvoie ici au titre de ma critique, avec la fête improvisée où débarque John avec vue sur la comète, scène qui me rappelait étonnement (ou pas) l'actualité avec les fêtes géantes au mépris du virus, enfin ce n'est pas le débat.

Deux derniers bons points : d'abord, la justesse et la parcimonie avec lesquelles les effets spéciaux ont été utilisés, jamais dans la surenchère, mais aussi pour contenter le spectateur avide de feu et d'explosions en tout genre. Ensuite, bâtir l'ensemble des péripéties sur l'ensemble de la famille Garrity me semble un choix judicieux, impliquant une relation entre l'échelle personnelle et une catastrophe d'ampleur mondiale dont on ne comprend les tenants et les aboutissants que par les yeux et les oreilles des personnages, évitant les intervenants inutiles et impersonnels comme un foutu chef d'Etat ou je ne sais quoi pour bien te faire comprendre que t'es dans la merde (mention spéciale à 2012 pour ça).

Donc voilà, après environ 1 heure de film je me dis wahou, il y a du rythme, les péripéties sont intéressantes, notamment lorsque la famille est séparée, et l'aspect dramatique passe bien. Mais ensuite ça se gâte, et nombre de spectateurs auront vu un léger plagiat de 2012 dans la trame d'ensemble : il y a peu d'inventivité de ce point de vue là, bam il y a des bunkers magiques, on y arrive miraculeusement alors qu'entre nous le Groenland c'est... très vaste. Bon, soit. Mais l'espace d'un instant, j'y ai cru, en me disant ils n'y arriveront pas (bon juste quelques secondes hein) : mais pourquoi faut toujours que les héros survivent ? Franchement avec un échec qui entre nous était assuré, le film n'en aurait été que meilleur.
Autre souci avec la seconde partie du film : les dialogues sont de plus en plus creux, entre les paroles héroïques de Gérard Butler et des pointes d'humour à la 2012 (encore une fois...) pas forcément bien senties et utiles (cf le poids de John avant de prendre l'avion). Sinon, quelques incohérences sont de mon point de vue à relever, comme le bain du gamin chez le grand-père alors que le temps presse, ou les images des restes de Paris qui ne correspondent pas aux dires du film ou à l'image satellite montrant un trou de golf géant à la place de l'Europe, enfin...

D'ailleurs, la fin, parlons-en. Alors on fait sortir everybody 9 mois après le crash du plus gros fragment de la comète, dans une mise en scène aussi pourrie que dans la série The 100 (sans la BO d'Imagine Dragons...) : je trouve cette fin facile et bâclée. Apparemment 9 mois sous terre sans savoir si tu vas en sortir vivant, les tensions qu'il aurait pu naître, les problèmes psychologiques (quand on voit ce que 2 mois de confinement ont fait à certains, je me pose la question). Cette vie sous terre aurait pu être un gros point fort du film, dommage qu'elle soit évitée. En outre, la dernière scène fait exactement ce que le film avait bien évité jusque là : un petit tour du monde radiophonique pour savoir comment ça va et où, avec des images du monde entier. Je crois que la vision des survivants groenlandais aurait suffi, pour rester dans l'idée intimiste du film, mais ce n'est que mon point de vue. De plus, la bonne humeur générale et l'optimisme de la fin du film me semblent légèrement décalés par rapport à la réalité de ce nouveau monde : tout a explosé les gars, les cultures, tout... mais bon tant qu'il y a des piafs il y a de l'espoir, du moins c'est ce que Gégé a dû se dire en sortant du bunker...

Alors au final, si Greenland n'échappe pas à certaines maladresses chroniques des films catastrophe, il tire honorablement son épingle du jeu, par des personnages travaillés, nombre d'enjeux bien traités ou encore des effets spéciaux utilisés à bon escient. Un film louable dans l'ensemble, en espérant qu'il tire vers le haut sa catégorie cinématographique qui dans l'ensemble fourmille de nanars dénués de scenarii. Pour un retour au cinéma, c'est encourageant !