"Much ado about nothing" (entre arnaque et chef-d'oeuvre?)

En rentrant dans la salle, on n'a clairement pas envie d'être déçu. Condamnés à adorer, on s'assoit, on attend.
Puis pendant environ 40 minutes, on est soulagés. La première partie du film est absolument splendide à tout point de vue. Visuellement, évidemment (et ça, tout le monde le sait de toute façon) il n'y a rien à redire. Les premières images prennent aux tripes, impressionnent, nous plongent au plus profond de cet univers, immense, majestueux. Le calme et l'étrange douceur qui y règnent saisissent. Le réalisateur réussit de main de maître à nous faire passer pour les personnages, à nous faire rentrer dans ce scaphandre, à rendre notre respiration difficile, c'est parfait, parfait.

Oui mais voilà: je n'ai pas envie de me faire avoir, moi. Evidemment, le film est visuellement parfait jusqu'à la fin. Mais il devient soudainement terriblement creux. ça avait si bien commencé...Pourquoi ? Pourquoi le film devient-il soudainement puant et américain ? Tout l'aspect émotionnel du film disparaît complètement, laissant place à des monologues larmoyants et tellement faciles, des clichés typiquement US s'intègrent désespérément à l'oeuvre (Stone,dont la fille est morte, seule survivante, est sur le point d'abandonner quand tout à coup une vision hallucinée de son compagnon perdu s'offre à elle, l'incitant à se battre de plus belle, le tout ponctué de discours accablants sur la mort, la vie, enfin bref quoi). Tout ce jeu du silence que Cuaron avait jusqu'à présent mis en place brillamment s'évanouit, le réalisateur nous balance une musique anti-originale, pompeuse et lourdingue au possible qui de toute façon annonce déjà une fin convenue.

Horriblement nul en l'art de suggérer, Cuaron se suicide tout simplement pendant les 30 dernières minutes du film: les effets spéciaux ont maintenant pour seul but de nous en mettre plein la gueule, la musique s'intensifie, la jeune Stone -sacrée chanceuse- résiste à une pluie de débris, une panne de carburant ET une noyade (POURQUOI NE PAS LAISSER COMME DERNIERE IMAGE LE PARACHUTE QUI SE DEPLOIE, POURQUOI RENTRER SUR TERRE???) pour finalement fouler la terre et se remettre à marcher comme si de rien n'était, incarnant à la fois Dieu, Eve, Jésus, Robinson, on ne sait plus trop.

Cuaron aurait pu faire tellement mieux, pourquoi transformer les 30 dernières minutes de son film en film d'action au suspense moisi et à la fin déjà écrite ? Ne soyons pas hypocrites cependant: je ne peux pas mettre en-dessous de la moyenne puisque la première partie est éblouissante et il faut avouer qu'on passe un assez bon moment; mais franchement, on a la désagréable sensation en sortant de la salle d'être pris pour un con.