Nul malhabile parallèle avec l’œuvre de Sartre pour cette dénomination - entendons-nous bien - mais une simple formulation schématique de ce que Cuarón semble vouloir illustrer dans son tout récent "Gravity". Comme l'indiquent ses cartons d'ouverture successifs, "Toute vie dans l'espace est impossible", mais c'est pourtant dans cet environnement hostile que cinq membres d'une mission américaine évoluent en apesanteur. Cinq puis quatre, trois puis deux, un, enfin. Chacun quitte la place au fil du cycle infernal d'un nuage de débris meurtriers.

Un astronaute, une ingénieure médicale et un intervenant technique tous trois en sortie accompagnés au casque de la voix de Houston et de celle d'une femme restée à bord. L'intervenant technique est anéanti. La voix féminine disparaît. Houston ne répond plus. L'astronaute se sacrifie.

L'ingénieure médicale se retrouve seule dans ce néant, solitude d'autant plus lourde que notre planète bleue occupe pleinement son champ de vision : A travers les belles volutes nuageuses, on en aperçoit la surface : Océans, continents, mégalopoles éclairées... La naufragée suffoque dans sa combinaison hermétique, spectatrice obligée de cette exhibition grandeur nature. Tout espoir semble perdu à cet instant, aucun retour sur Terre ne semble possible et la seule réception radio que cette femme obtienne est entravée par la barrière de la langue. Courageuse mais humaine avant tout, luttant contre les nausées depuis le début, perdant confiance et se tournant inexorablement vers un suicide salutaire, la naufragée, dans un dernier sursaut instinctif et libérateur, poussée par l'adrénaline, trouve la force de poursuivre l'expérience.

Magistralement, "Gravity" parvient à éclairer l'Être au sein d'un univers aseptisé, redonne vie à un corps en perdition, usant de toutes les possibilités techniques actuelles et à grand renfort de symboliques maternelles pourtant usées jusqu'à l'os : le geste fœtal, le sortir de l'eau, la Femme, la nature primaire... "Gravity" est un espace nouveau, un environnement singulier, où chacun de ces symboles trouve plus ou moins bien sa fonction, et où le spectateur est accueilli à bras ouverts.
Pointofview
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le 30 oct. 2013

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