L'extincteur et la grenouille (fable)

Je me hais. Une fois de plus, obligé de pointer les détails qui fâchent alors que la plupart de ceux qui ont goûté les plaisirs de l'apesanteur version Cuarón se montrent jusqu'ici si enthousiastes.
Je m'en veux d'autant plus que devant un tel film, qui montre une réelle ambition esthétique, narrative et technique, on a pas envie de chipoter devant les mêmes écueils que ceux d'un Man of Steel ou Pacific Rim. A priori, on ne boxait pas dans la même catégorie.
Et pourtant.

Buller avec Bullock

Cuarón s'était fait remarquer dans les fils de l'homme par des plans-séquences nimbés de numériques si habilement intégrés qu'ils conféraient aux scènes en question une force et un impact qui sont, sept ans après, difficiles d'oublier. Cette fois encore, on trouve ce genre de plan habiles, comme lorsque, d'un plan large, nous pénétrons à l'intérieur du casque pour remplacer le personnage, avant de s'en éloigner à nouveau. Le travail sur les lumières et l'apesanteur, les scènes où les éléments de stations spatiales fusent en tout sens constituent de vrais petits bonheurs (ou de sursauts, si j'en juge par les réactions de ma voisine de gauche) hélas de plus plus ténus au fur et à mesure que le film progresse.

Les cuisses de boulet

Passée une première demi-heure assez réjouissante, une écriture appesantie vient graduellement plomber un scénario qui n'a rien à raconter, si ce n'est un remplir une case "survival spatial esthétique" pas encore trop encombrée.
Le débardeur et le shorty de Sandra qui fit frémir l'ami Kenshin plus qu'à son tour ne peuvent pourtant masquer les sempiternelles lourdeurs pathogènes (fait ton deuil et tu accepteras de vivre) qui se doublent de rebondissements successifs qui cadrent mal avec le parti pris quasi-documentaire des premières minutes.

La musique douteuse qui baigne l'incident inaugural est pourtant là pour nous annoncer ce qui va suivre: un trajet à extincteur que ne renierait pas "mission to mars", un sacrifice surgi des abimes, ou une grenouille au premier plan qui fit rire une bonne partie de la salle.

Pourtant, je ne devais pas regretter cette soirée, qui me permit une fois de plus de goûter à l'enthousiasme inébranlable de Sideness, à la volubilité des réactions Kenshiniennes (un bâillement homérique ponctua l'interminable monologue du vagin) et de creuser ce qui ressemble de plus en plus à de délectables contradictions FeedMe-esques: voilà un membre SensCritiquien qui n'aime pas la bière qui a du goût, qui déteste l'odeur de la cigarette, ce qui pourrait sembler banal si elle n'était elle-même fumeuse, fille de Geek incapable de maîtriser son Nokia antédiluvien et qui regretta, avec le Pikachu-fait-homme, que l'anatomie Bullockienne ne fut pas réévaluée au bénéfice d'une 3D qui permettait toutes les outrances.

Il est vrai que le retour à une gravité terrestre n'allait pas rendre hommage, comme il aurait pu (et dû) le faire, aux courbes et rondeurs d'une telle héroïne de bollockbuster.
guyness

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