Ce qui me frustre quand je regarde un blockbuster, c'est que je ne me sens pas libre de ma satisfaction. On est devant un film qui a coûté terriblement CHER. Il faut rembourser l'investissement, et on peut le comprendre. Et pour ça, il faut être sûr que ça plaise. On n'est plus simplement dans l'exigence de qualité propre à chacun des protagonistes impliqués (réalisateur, producteur, acteurs...). On est dans la nécessité, et c'est ce qui compte avant tout. Alors ce n'est pas forcément contraire à la qualité du film, après tout on peut se dire que ça ne peut pas faire de mal... mais des fois, souvent en fait, ça se sent. On sent qu'on n'a pas eu ce rebondissement-là pourtant improbable et pas du tout indispensable pour la poursuite de l'intrigue, mais parce que ça va induire une réaction chez le spectateur qui aidera sa satisfaction finale. Et je trouve ça quand même super gênant.

Ainsi, il m'est difficile de noter ce film. Peu importe quelle note je mets, je devine que d'ici un an, je la baisserai, et d'ici 10 ans je saurai plus vraiment expliquer pourquoi j'ai adoré. Parce que j'ai adoré, c'était splendide. Si je mets pas 10, c'est parce que j'étais agacée par l'impossibilité de ne pas aimer ce film. Ca en devient presque contre nature. Nos yeux, notre physiologie semblent faits pour aimer ce film. Même si on crève de fatigue en arrivant dans la salle un jour de semaine à 22h30 après 45' de queue, on ne peut simplement pas garder cette fatigue. L'écran scintille d'images toujours plus grandioses, la musique te glace le sang et tambourine dans tes tempes, et tes muscles sont en alerte tellement tu crains de périr toi aussi dans l'espace... Ton cerveau se retrouve limité au mode survie, tu vis l'explosion, tu veilles sur le compteur, tu crains la prochaine.
En bref, ce film, c'est une putain d'expérience.

Mais j'ai du monde à y voir plus que ça. Bon j'ai aimé George Clooney. J'ai aimé ses blagues de pur ricain bien dans sa peau, bien dans son équipement. Même s'il est pas beaucoup plus crédible que la fille. Mais quand même, derrière sa petite superficialité assumée, à côté de Ryan, super trop profonde et touchée par la misère de la vie, c'est lui qui reste le plus complexe. Si on cherche loin, on pourra se demander : mais pourquoi les sauve-t-il tous à ses dépends ? Risque-t-il sa vie en connaissance de cause ? Si oui, pourquoi ? A quel point la passion de l'homme peut-il dépasser son désir de survie ? Bon j'ai pas essayé d'éplucher le cerveau de la petite âme meurtrie de Ryan, mais franchement la flemme, et on sent que les scénaristes ont pas souhaité mettre l'accent là-dessus. Elle épouse notre peur, notre perdition, notre méconnaissance des solutions en temps de crise, et c'est parfait. Pourquoi elle se retrouve alors dans une telle mission alors qu'elle semble à mille lieues de l'expérience nécessaire, c'est pas la question. L'important, c'est que cette fille à qui tu donnerais 0 chances de survie de manière objective, eh ben c'est elle qui va s'en sortir, et voilà, y a de l'espoir partout, la vie est pas si noire. Les gens aiment les happy endings, mais le happy ending objectivement improbable alors que tu vis limite dans le corps de cette fille pendant 1h30, ça devient carrément de la libération. Toi aussi tu peux enfin respirer normalement, tes muscles se détendent... Tu es limite reconnaissant.

Enfin c'est un film que je recommande sans hésiter, mais surtout pas en-dehors du ciné. C'est un merveilleux blockbuster, mais ça reste un blockbuster. Ca reste un film où on recherche chaque minute une certaine réaction chez le spectateur, le forçant à être ravi en fin de séance, avant de rechercher la qualité. Je préfère un film où la perception ne sera pas univoque, comme (allez un qui est aussi au ciné en même temps !) la Vie d'Adèle.

Créée

le 31 oct. 2013

Modifiée

le 5 nov. 2013

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Monza

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