Film pionnier du genre, traitant à la fois de violence juvénile, de la faillite de l’Éducation, des communautés étrangères et de leurs descendants, du racisme aussi, Graine de Violence trouve un ton assez juste pour aborder ce thème nouveau, en évitant le pathos, les clichés et surtout le moralisme. Toutefois, la violence excessive, invraisemblable, tout comme la persistance irraisonnée du professeur Dadier, ou encore l’évitement (ou tout du moins le traitement clairement parcellaire et incomplet) de la question du contenu pédagogique discrédite partiellement le propos du film.

S’il est bien un défaut des films de Richard Brooks – par ailleurs cinéaste majeur de son temps, largement sous-estimé – c’est, il nous semble, un traitement un tantinet superficiel dans les questions abordées, comme si Brooks craignait d’assommer le public avec un excès de profondeur, si bien qu’il s’arrête là où il pourrait encore creuser. Ici, bien qu’il fasse preuve d’un certain sens d’anthropologue proposant son étude de terrain, il ne démonte pas la structure sous-jacente, ne pénètre pas assez la sociologie et la psychologie de ses personnages, s’en tenant à des conclusions aujourd’hui totalement surannées – de même la volonté tenace de Dadier et son retournement pédagogique relève, il faut le dire, d’une certaine démagogie, ou pour le moins de candeur.

Malgré ces lacunes, Graine de Violence n’en demeure pas moins un film original et audacieux, porté par une BO mémorable. De plus, Brooks signe une mise en scène impeccable, comme c'est le cas dans la scène inaugurale, petit bijou du genre. Citons aussi la photographie de Russell Harlan qui est remarquable. Enfin, comme toujours, Brooks dirige parfaitement ses acteurs, à l’image de Vic Morrow (l’insupportable Artie) qui rappelle dans certaines scènes les personnages de l’Actors studio, et surtout d’un Glenn Ford très convaincant, humain comme le sont toujours les protagonistes de Brooks (le duo d’assassins dans De Sang-Froid, Elmer Gantry dans le film éponyme), c’est-à-dire en proie à la faute comme lorsque Dadier traite dans un accès de rage Sidney Poitier de « negro » avant de se dédire.

6,5/10


Marlon_B
7
Écrit par

Créée

le 1 juin 2023

Critique lue 12 fois

1 j'aime

Marlon_B

Écrit par

Critique lue 12 fois

1

D'autres avis sur Graine de violence

Graine de violence
Ugly
8

One o'clock, two o'clock, three o'clock : rock !

Cette accroche en titre et en ouverture de générique prélude une chanson qui a fait le tour du monde, c'est le "Rock around the clock" de Bill Haley qui fit beaucoup pour le succès du film et qui...

Par

le 25 juin 2021

24 j'aime

10

Graine de violence
Gand-Alf
6

Le plus beau métier du monde.

Sorti en 1955, "Graine de violence" fit à l'époque sensation par sa façon d'aborder frontalement la délinquance juvénile et reste encore aujourd'hui le maître-étalon du genre. En avance sur son temps...

le 1 déc. 2013

15 j'aime

6

Graine de violence
Jacquesherve
10

La jungle du tableau noir

Le film nous envoie dans les années 50 dans une école où un nouvel enseignant Richard Dadiert va être confronté à une délinquance juvénile...et aussi aux méthodes de ses collègues face au problème...

le 3 févr. 2021

7 j'aime

11

Du même critique

Call Me by Your Name
Marlon_B
5

Statue grecque bipède

Reconnaissons d'abord le mérite de Luca Guadagnino qui réussit à créer une ambiance - ce qui n'est pas aussi aisé qu'il ne le paraît - faite de nonchalance estivale, de moiteur sensuelle des corps et...

le 17 janv. 2018

30 j'aime

1

Lady Bird
Marlon_B
5

Girly, cheesy mais indie

Comédie romantique de ciné indé, au ton décalé, assez girly, un peu cheesy, pour grands enfants plutôt que pour adultes, bien américaine, séduisante grâce à ses acteurs (Saoirse Ronan est très...

le 17 janv. 2018

26 j'aime

2

Vitalina Varela
Marlon_B
4

Expérimental

Pedro Costa soulève l'éternel débat artistique opposant les précurseurs de la forme pure, esthètes radicaux comme purent l'être à titre d'exemple Mallarmé en poésie, Mondrian en peinture, Schönberg...

le 25 mars 2020

11 j'aime

11