One o'clock, two o'clock, three o'clock : rock !

Cette accroche en titre et en ouverture de générique prélude une chanson qui a fait le tour du monde, c'est le "Rock around the clock" de Bill Haley qui fit beaucoup pour le succès du film et qui introduisit un nouveau style de musique : le rock and roll. Richard Brooks s'est battu pour que la MGM lui permette d'utiliser cette chanson qui selon lui, définissait tout le film et toute la jeunesse américaine avec sa fureur de vivre.
Au-dela de ce rock devenu célèbre, le film aborde un sujet délicat, déjà en 1955, celui du problème de la jeunesse, mais surtout de la jeunesse délinquante à l'école, d'où son merveilleux titre original (la Jungle du tableau noir). C'était une sorte de cri d'alarme dont l'histoire repose sur l'opposition d'un enseignant de bonne volonté et d'une classe d'adolescents teigneux, insolents et à la limite de la vouyouterie. Leur mal de vivre se traduit par une agressivité de principe ; leur révolte confuse les rend méchants, elle mêle désespoir, drogue, racisme, alcool, haine, injustice, malentendus, vengeance contre la société...
Ces réalités qui à l'époque commençaient tout juste à percer, n'étaient pas aussi inquiétantes qu'aujourd'hui, mais c'était quand même un sujet sensible que Brooks a traduit en une sorte de récit sociologique et mélodramatique, mais pas un mélo à dramatisation romanesque comme on a pu en voir dans des films qu'on appelle de nos jours des "period drama", c'est un mélodrame d'action et de suspense où s'enchainent de façon inéluctable une suite d'affrontements d'abord verbaux puis physiques qui semblent sans issue et qui rendent ce film bouleversant. Il effraie par la direction que prennent ces affrontements lorsqu'on sait qu'ils se multiplieront dans les années à venir, comme on en verra dans des films comme Class 1984 ou Esprits rebelles, et qui seront à l'origine de la formation de gangs violents.
Peu de films avant ceux là, ont abordé avec autant de franchise et d'acuité les problèmes de l'éducation, de la violence et du racisme scolaires, le film fait écho directement à la Fureur de vivre de Nicholas Ray, sorti la même année, et qui traitait d'un sujet très proche.
Graine de violence fut très critiqué à sa sortie par la presse et une partie du public qui trouvaient que le film donnait un reflet inquiétant et négatif de la vie américaine ; la MGM craignait même des émeutes et ne distribua pas le film comme c'était prévu, aucune ville n'accorda d'autorisation de tournage dans une vraie école, il fallut construire des décors et créer une école fictive. Lorsque le film fut sélectionné pour le Festival de Venise, l'ambassadrice américaine demanda son interdiction. A noter aussi que les 30 gosses de la classe étaient tous des amateurs, à part Sydney Poitier qui commençait à s'affirmer, et Vic Morrow qui était quasi débutant, ça n'en donnait que plus de spontanéité.
Quant à Glenn Ford, il y trouvait un de ses meilleurs rôles avec cet enseignant Richard Dadier confronté à la dureté de la jeunesse face à l'autorité, qu'il essaie de comprendre en tentant d'établir le dialogue. Malgré tous les déboires subis par ce film, Richard Brooks livre un récit optimiste et généreux, laissant éclater son idéalisme et sa passion pour les idées justes et la liberté ; plus de 60 ans après sa réalisation, c'est un film qui renvoie une image peu engageante et qui préfigurait un conflit qui se durcirait dans les écoles avec les décennies, c'est pourquoi il a gardé tant de force mais aussi une grande chaleur humaine avec une once d'espoir.

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le 25 juin 2021

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Ugly

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