Figure du cinéma français, François Ozon est autant touche à tout qu’il pèche par la qualité respective de ses films. Et pas question de jouer à pile ou face lorsque l’on s’attaque au sujet dont traite Grâce à Dieu, film qui revient sur une vaste affaire de pédophilie au sein de l’Église en France.


Le moins que l’on puisse dire, c’est que Grâce à Dieu a fait l’actualité de ces dernières semaines. Deux personnes, avec des raisons qui leurs sont propres, demandaient en référé le report du dernier François Ozon. Alors qu’il a reçu le prix du Jury à la dernière Berlinale, le film est sorti dans les salles françaises à la date prévue. Il faut dire que l’affaire, dont le film se fait l’écho, à de quoi embarrasser l’Église catholique. Gravité du sujet, le cinéaste ne devait pas se louper au passage, surtout après un Amant double qui n’a guère convaincu…


Alexandre (Melvil Poupaud) vit à Lyon, avec sa femme et ses cinq enfants. Petit bourgeois à la foi inébranlable, il découvre pourtant un jour avec horreur que le prêtre qui l’avait abusé enfant est toujours en activité. Décidé à faire condamné cet homme d’église pédophile, il se lance dans un long combat contre une institution inébranlable. Dans cette lutte, il sera bientôt rejoint par d’autres victimes, comme François (Denis Ménochet) et Emmanuel (Swann Arlaud). Ensemble ils vont soigner leurs vieilles blessures et chercher à obtenir justice.


Le charme du cinéma de François Ozon est son côté versatile, le cinéaste étant capable de passer avec aisance d’un genre à l’autre. Reste que le résultat n’est pas toujours au rendez-vous. Dommage. Est-ce parce que le bonhomme aime varier les plaisirs ? Possible. Mais là où il excelle bel et bien, où il se montre à son meilleur, c’est bien dans le drame. En écrivant et en réalisant Grâce à Dieu, Ozon sait où il met les pieds. Son dernier film pourrait se voir comme le cousin de l’américain et académique Spotlight, cette fois en suivant les retombées d’une vaste affaire pédophile dans l’Église, mais du côté des victimes. Dans un style presque documentaire, notamment dans l’écriture, Ozon suit ces personnages (et donc victimes) au plus près. Que se soit dans leur quête personnelle ou en suivant les retombées dans les familles. L’investissement du cinéaste dans le projet, où l’on sent bien que le sujet le dépasse lui et même le cinéma, est touchant et force le respect. En effet, le réalisateur se met totalement au service de ce que son film va raconter.


Comme évoqué plus haut, la force du film est l’émotion qu’il véhicule. Croyants ou non, Grâce à Dieu touche avant tout l’humain au sens large. Et il le fait d’une manière bouleversante, sans pour autant chercher à verser dans le mélo. Avec un trio de comédiens d’une solidité à toute épreuve, le film sonne toujours juste. Il le fallait bien, au nombre de scènes très intimistes, qui vont de la confession, à l’affrontement en passant par la confrontation entre le bourreau et ses victimes. Pour se faire, Ozon passe avec fluidité d’un personnage à l’autre, où pour chacun, il adapte sa narration ainsi que sa mise en scène. Brillant.


Melvin Poupaud, tout en retenue, passe la main à un Denis Ménochet en croisade vengeresse avant de conclure avec un Swann Arlaud, tout en fragilité. Avec ces hommes brisés, qui cherchent à travers cette quête de justice à se reconstruire, le film dresse au passage un portrait au vitriol d’une institution qui fait la sourde oreille aux maux qui la dévore depuis des décennies. Une défense qui se fait d’ailleurs avec des choix de mots douteux, comme dans la scène, saisissante, qui donne son titre au film. Sans juger, ni prendre parti, Grâce à Dieu est un film magnifique, qui tord les tripes en tous sens sans oublier de vous émouvoir jusqu’aux larmes au passage. Et encore, avec une grande intelligence, il amène jusqu’à sa dernière réplique le spectateur à s’interroger.


Ticket ou Télé ? Ticket, juste pour faire c** ceux qui ne voulaient pas qu’il sorte en salles.**
Avec Grâce à Dieu, François Ozon revient à ce qu’il sait faire de mieux, à savoir le drame intimiste. Au plus près des personnages et au service de l’histoire vraie qu’il a entre les mains, Ozon signe un film aussi puissant que bouleversant. Avec un trio d’acteurs au summum de leurs talents respectifs, Grâce à Dieu est une énorme claque qui ne pourra que vous emporter au passage.

Breaking-the-Bat
8

Créée

le 14 juil. 2021

Critique lue 44 fois

Valentin Pimare

Écrit par

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