Le deuxième film de la journée, l’autrichien Goodnight Mommy de son titre original Ich Seh Ich Seh est réalisé par Severin Fiala et Veronica Franz. Dans la salle pour nous présenter leur film, on apprend que Veronica a rencontré Severin lorsqu’il était le baby-sitter de ses deux enfants. Refusant d’avoir de l’argent, il se faisait alors payer en VHS. Puis, lorsque les enfants étaient endormis, ils les regardaient tous les deux. Severin avait 14 ans… Cette situation légèrement incestueuse fait le bonheur des spectateurs qui envoient blagues graveleuses sur blagues graveleuses à la figure de nos deux réalisateurs. Bref, les lumières s’éteignent, le public se calme. Le métrage nous raconte l’histoire de deux jeunes frères qui ne reconnaissent pas leur maman après qu’elles soient rentrée d’un séjour à la clinique de chirurgie esthétique. Persuadés que ce n’est pas elle, ils feront tout pour lui faire avouer la vérité. Le film s’ouvre sur les deux bambins qui jouent, dans une nature magnifique, tout droit sorti d’un film de Terrence Mallick. L’image claire et brillante est en même temps sombre et teinté d’étrangeté. L’innocence transpire à l’écran. On a l’impression que rien ne peut arriver à ces enfants, vivants dans cette bulle protectrice qui explose à l’âge adulte. La mise en scène prend son temps à installer une ambiance, et je prends plaisir à découvrir ses cadrages soignés.


Cette étrangeté est d’un coup de plus en plus lourde lorsque la mère revient. Couverte de bandages, elle n’est alors qu’un fantôme, immaculée, qui erre dans les couloirs de sa grande villa. Au fur et à mesure du film, la photographie s’assombrie, à l’image de cette séquence cauchemardesque dans laquelle la mère, errant dans la forêt, ne fait qu’apparaître et disparaître dans un plan séquence maitrisée. L’horreur s’immisce alors peu à peu dans la vie de nos jeunes protagonistes, jusqu’à un climax à la limite du supportable, qui fait étrangement penser au Shining de Kubrick. Non dénué d’humour, le film ne se complaît jamais dans sa violence et, finalement très peu graphique, l’horreur est plus d’ordre psychologique et morale. La grande force du film est que le spectateur n’est jamais guidé dans sa pensée et est donc toujours dans un entre-deux : l’acceptation ou le dégoût féroce d’actes violents. Plein d’influences et de références - de Canine de Yórgos Lánthimos à Benny’s Video de Michael Haneke, en passant par Le Dernier des Fous de Laurent Achard -, les réalisateurs nous offrent un savant mélange des genres qui ont envahis nos écrans ces derniers temps - le torture porn en tête -, pour livrer une œuvre intimiste et violente, à la frontière entre le cinéma d’auteur et le film de genre. Un grand film.


Tiré du journal de festival du BIFFF : lire l'article entier sur mon blog...

VictorTsaconas
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le 23 avr. 2015

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Victor Tsaconas

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