Après un premier film délicieux, on enchaîne avec celui que j’attends aujourd’hui, le premier du thème principal du festival cette année Les Singulières. Black Moon de Louis Malle, est un film rare, qui fut un échec lors de sa sortie en 1975, trop expérimental pour un public habitué aux long-métrages plus classique du réalisateur. Ici, pas d’histoire, une simple trame narrative construite autour des rêves du cinéaste, et tournée dans sa maison à la campagne, dans laquelle une jeune femme, coincée dans un monde où les hommes et les femmes sont en guerre, semble être perdue dans une quête incontrôlée et incontrôlable. Louis Malle, fort de ses succès précédents a pu financer son film et avoir une totale liberté de création, et nous livre alors un film ultra-personnel. Il nous prévient d’ailleurs dés le début et nous invite à un voyage dans ses rêves et les nôtres. Ce qui enchante dés le début c’est la cinématographie absolument sublime de Sven Nykvist, qui œuvra sur les films de Ingmar Bergman. Un voile noir c’est abattu sur le monde, et on voit tout à travers son prisme. Louis Malle ne voulait absolument pas de soleil dans son film, et on a ainsi l’impression que tout est éclairé non pas par une lune noire, mais par un soleil noir, sorte d’eclipse perpétuelle. Bloqué dans un monde entre-deux, labyrinthe mental d’un personnage qui s’éveil, une Alice entourée d’animaux magiques, d’une méchante reine manipulatrice et d’un beau prince cruel. Parfois terrifiant, parfois drôle, le long-métrage aime à nous balader entre différents états émotionnels, qui seront propres à chacun. La grandeur de Black Moon est dans son absence de sens. Liberté totale du réalisateur, alors liberté totale du spectateur. Allégorie sexuelle et psychanalytique qui invite chacun à projeter ses passions dans l’image. Image qui déborde du cadre et s’infiltre dans les recoins inconscients de notre pensée rationnelle. Féminisme, rapport aux animaux, relations à l’enfance et à la vieillesse, mort, haine, amour, guerre… Black Moon sonne un peu comme un film chorale, à la maitrise technique époustouflante, dans lequel la narration n’est mue que par l’enchaînement hasardeux d’émotions inconscientes qui peuvent nous traverser à tout moment. D’un film personnel, Louis Malle a réussi à faire un film universel qui peut parler à chacun de nous, et offre ainsi une lecture unique à chaque vision. Un chef d’œuvre qui gagnera, je l’espère, sa place au panthéon des films les plus importants jamais réalisés.
Tiré du journal du festival des Hallucinations Collectives 2016 : lire l'article entier sur mon site...