Godzilla Minus one « atomise » le monsterverse américain !!!

Avertissement n°1 : cette critique se veut sans spoilers.

Avertissement n°2 : vous entrez dans le royaume des puristes du kaiju eiga (film japonais de créatures géantes), des snobs du tokusatsu (film japonais d’effets spéciaux). Ici , on aime les scènes de dévastation chaotiques qui savent se faire plus rares pour plus d’impact, on n’est pas choqué.e.s par le surjeu à la japonaise ni le drama, on n’a pas peur de fétichiser les avions (comme Miyazaki), on sait que c’est pas un film de Godzilla s’il ne mange pas un train (il mange des trains depuis le premier film de 1954, ça lui réussit), d’ailleurs ici on ne dit pas Godzilla mais Gojira comme en version originale. C’est donc le point de vue de cette critique. Je pense que ce type de public sera aussi comblé et ravi que moi devant ce film. Je ne peux rien garantir pour les autres, gomennasai.

Le début : Shikishima Kouichi est un pilote kamikaze (le terme vraiment utilisé en japonais est tokkotai) à la fin de la seconde guerre mondiale. Il se pose dans une base sur l’île d’Odo en feignant un problème technique. Lourdement traumatisé par la guerre, il souhaite en fait déserter. Durant la nuit, l’ile est attaquée par une monstrueuse créature géante qui fait un massacre…

Mon avis : Film japonais réalisé par Yamazaki Takashi, Godzilla Minus One signe le retour aux sources du célèbre kaiju, qui fête ses 70 ans cette année. Exit les versions américaines pourries gavées jusqu'à la nausée d'effets spéciaux bâclés, plus films d’action que films de kaiju, exit le design revisité qui ressemble à rien et qui saute dans tous les sens alors qu’il est sensé peser 90 000 tonnes, retour au design authentique de la créature avec sa tête minuscule, ses grosses cuisses et son allure lente, exit les héros machos et vides qui défouraillent à tout va : merci.

Parlons tout de suite de la créature, Gojira. Le film a un petit budget mais j’ai trouvé les effets spéciaux très convaincants (combats spectaculaires en mer, dévastation de villes, des explosions atomiques proprement terrifiantes !), à de rares exceptions près (l’atterrissage de l’avion au début) et la créature extrêmement réussie. Le design du monstre revient à une version très proche de l’original, ce que j’ai apprécié. Plutôt petit dans sa première apparition dans le film, après son réveil par les bombes atomiques américaines, il devient énorme dès sa deuxième apparition après les tirs sur l’atoll de Bikini.

Avec sa petite tête aux yeux chafouins, ses courtes pattes antérieures façon T-rex et ses cuissots massifs, il se balade entre les buildings d’un pas lourd et pesant qui met l’emphase sur sa taille colossale. Les scènes où il apparaît pourront être perçues par certain.e.s comme trop rares mais purée qu’elles sont spectaculaires ! Je suis restée littéralement rivée à mon fauteuil. Dans cette version, Gojira n’est plus l’incarnation vaguement sympa de la nature dévastée par les méchants humains mais un objet de terreur pure, l’incarnation monstrueuse de la guerre atomique, de la dévastation et du carnage. Les scènes mettent bien en valeur l’horreur suscitée par l’arrivée du monstre que rien ne peut arrêter, sa rage aveugle.

Niveau scénario, le film alterne les séquences de combat contre le kaiju avec le quotidien de Kouichi et des gens qu’il rencontre. Le pays est entièrement dévasté, les morts sont innombrables, la population survivante manque de tout et chacun.e tente tant bien que mal de reconstruire sa vie. Le film, comme celui des origines, est une violente critique de la guerre. Il présente les villes réduites à des décombres, les habitants déchirés entre le chagrin de leurs pertes et l’espoir d’un avenir possible. Il met en scène de façon intéressante les séquelles des soldats traumatisés et n’hésite pas à montrer des scènes véritablement poignantes comme celles de la petite orpheline Akiko pleurant la perte de sa mère. Ce n’est pas qu’un film catastrophe creux, il y a de véritables histoires de gens qui luttent pour survivre et se reconstruire.

L’arc narratif du héros traite de son sentiment de culpabilité et de honte (il a déserté et a perdu son honneur), de son désespoir mais aussi de son aspiration à la rédemption. L’acteur est pas mal transparent mais est rattrapé par de bons seconds rôles (la voisine Sumiko, le capitaine du bateau avec son surjeu façon animé, le newbie rigolo…). Un point original du film est que les personnages sont tous des losers et des marginaux : Kouichi est un paria, le scientifique n’a pas de labo, le newbie a loupé la guerre, le général n’a pas confiance dans sa propre armée…

Le film signe également une étonnante critique du gouvernement japonais et de sa gestion des crises. Plusieurs personnages s’en prennent à l’incapacité du pouvoir à nourrir la population ou à la politique du secret qui mène à des drames. J’ai trouvé ça plutôt inattendu.

Le film m’a paru un peu long par moments mais rien de choquant.

L’ambiance sonore est très réussie et réutilise notamment le thème musicale de 1954 de Akira Ifukube. L’ambiance visuelle est aussi très chouette avec une reconstitution sobre des années 40, une belle qualité d’image qui imite les films vintage avec des tons ocres. Certains effets de mise en scène pourront paraître un peu over the top aux personnes non habituées (Sumiko qui frappe Kouichi, la scène silencieuse, les combattants qui saluent leur ennemi) mais personnellement, ça ne m’a pas choquée.

Je mettrais juste deux bémols. Le premier est sur la fin vraiment trop sucrée. J’aurais coupé le film à la scène du port. Le deuxième est sur la neutralité parfaitement artificielle affichée par le film envers les américains. Ils ne sont jamais montrés alors qu’ils sont censés occuper le pays, à aucun moment un rapprochement quelconque n’est fait entre leurs bombes et l’état de dévastation du pays, ils ne sont pas mentionnés en tant qu’ennemis… La seule mention qui est faite d’eux est quand un personnage dit « Les américains ne peuvent pas nous soutenir face à Gojira car ils sont déjà aux prises avec les russes ». Je veux bien que la guerre est finie depuis longtemps et qu’on ne veut froisser personne mais ça fait vraiment bizarre pendant le film.

Au final, j’ai trouvé que Gojira Minus one est un vrai bon film de Gojira, du cinéma généreux et spectaculaire mais avec aussi un vrai message, et je le recommande à tous les fans.

Estellanara
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le 21 janv. 2024

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