Accompagné d'une excellente réputation, Get Out figurait parmi l'un des films à voir, atypique dans son propos et renouant avec les codes du genre.


Sauf que voilà. Get Out a beau intriguer sur sa première moitié, à coups de petites remarques aux apparences anodines et de regards en coin venant illustrer le malaise du racisme passif aux Etats-Unis, il ne parvient pas à sortir de son carcan humoristique pour pleinement embrasser en propos et y aller franco.


Et le public de la séance n'a pas aidé à l'expérience: riant à gorges déployés lors des nombreuses séquences humoristiques à juste titre, l'audience ne se privait pas non plus d'afficher ses rires lorsqu'on se concentre sur l'un des personnages noirs censés être troublants et bizarres, présents pour y renforcer cet aspect de thriller et de paranoïa. Résultat des courses: au lieu de laisser de côté cette franche rigolade cynique et discriminatoire pour épouser totalement le domaine du thriller, la tension que l'on sent palpable se retrouve complètement noyé par l'humour, et on passe d'une scène à l'autre sans trop savoir si on doit rire ou être effrayé.


La catharsis éprouvé tout au long du film trouvera son point d'orgue sur la dernière ligne droite, véritable condensé de violence où le public exultera de joie, compréhensible au vue du renversement des forces en présence et une sensation de vengeance bien mérité. Malheureusement, tout le propos et la soi-disant tension distillés dans le reste du film ne suffisent pas à justifier ce dernier acte. Le message politique du film est bien présent, avec du recul, mais beaucoup trop timide pour y apporter une vraie légitimité quant au succès du film. Parler de la discrimination raciale actuelle et en faire un film de série B, voire un conte d'horreur, c'est bien. Mais Get Out n'a clairement pas de scènes suffisamment fortes pour réussir son coup.


Il faudra ajouter à ça une réalisation classique mais pas non plus incroyable, des bizarreries sur l'écriture et sa cohérence


(Pourquoi les blancs veulent-ils se mettre dans la peau de noirs si c'est pour être aussi bizarre après ? Pourquoi les grands-parents ont-ils voulu utiliser cette méthode pour se retrouver à jouer les serviteurs pour leurs propres enfants et petits-enfants ?)


et un montage qui ruine parfois la tension du film


(Pourquoi switcher sur une scène purement comique avec le pote du héros pendant que celui-ci est en situation de danger ?)


, et on se retrouvera avec un film à mon sens bien trop surestimé, qui donne le sentiment d'avoir récolté autant d'éloges juste parce qu'il tente tant bien que mal de loger son message politique louable et actuel mais très léger au vue du résultat final. On jongle aisément entre une comédie et un thriller avec des pointes d'horreur (parce que concrètement, ça ne fait pas peur, mais c'est pas un défaut en soi), sauf qu'à un moment, il faut choisir: revenge movie sanguinaire ou brûlot cinglant sur le racisme ordinaire du moment ? A force de vouloir faire trop de choses sans aller à fond, Get Out s'y perd et transforme un propos pertinent en un vague essai bien trop inoffensif.

Cronos
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le 6 mai 2017

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