Il y a deux sortes de films inconnus pétris jusqu'à la gueule d'acteurs célèbres : les bouses magnifiques, putrescentes, et les petits bijoux qui n'ont pas rencontré leur public/critique/distributeurs.
Get Low fait résolument parti de cette deuxième catégorie, la plus belle, la plus rare.

Portée à bout de bras par un Robert Duvall immense, cette fable sur une vieillesse recluse, qu'il a en partie produite, prend une dimension à laquelle seul son jeu habité pouvait rendre justice.
Faut admettre : Bob a su s'entourer de vieux complices magnifiques : Bill Murray ou Sissy Spacek crèvent peut-être moins l'écran que leur collègue vénérable, mais apportent néanmoins toute la finesse et la retenue que cette histoire nécessitait.

Quant à l'histoire, impossible ne pas en dire deux mots ici. Après avoir passé 40 ans en ermite acariâtre, Felix Bush descend au village pour préparer ses propres funérailles, de son vivant. Au fur et à mesure du film, on comprend qu'il y aura à cette occasion une révélation sur ce qui l'a poussé à se retirer du monde pendant tant de temps. Ici se niche les germes d'un malentendu qui a pu être à l'origine d'une désaffection d'une partie des spectateurs du film. En effet, on a pu reprocher à « Get Low », je cite en substance : «t'1 c nul on @ten une révélation et a la fin cé d'la dob ! tout ça pour ça, fé chié ! » (je vous laisse lire quelques critiques éclairées de SensCritiqueurs affutés quoi qu'encore un peu jeunes et frustres, sans doute, qui illustrent ce film ...).

Et là, je dis : de deux choses l'une.
Soit on attend une révélation fracassante et on est très loin du cœur du film, de ce dont il parle.
Soit on reçoit ce qui se dit (tout en appréciant le traitement de la dite-scène) comme quelque chose de touchant et juste, à l'image de tout ce qui a précédé.
Et, preuve manifeste du respect de la cohérence du ton de l'ensemble, se dire que si le poids qui pèse sur la conscience et l'âme de Felix manque peut-être de « cinégénisme » pour permettre un climax spectaculaire, réaliser qu'au contraire, dans une « vraie vie », ce poids doit effectivement se révéler écrasant.

Au total, un film juste, beau, alliant gravité et humour avec une grâce légère (juste ce qu'il faut) qui ne mérite nullement l'oubli poli dans lequel il a trop vite plongé. Si d'aventure la lecture de cette critique vous donnait l'envie de vous précipiter chez votre dealer de DVD le plus proche (on ne sait jamais, soyons fous), ne le cherchez pas sous son horrible (lapalissade) titre français. Il vient d'être réédité sous son titre original.
guyness

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