Une grande fresque familiale au pays des cowboys et du pétrole

J'ai hésité à titrer cette critique : "Et poussière tu redeviendras ", la poussière des plaines semi-désertiques du Texas étant une allégorie de la vanité des ambitions humaines. Sauf que le film de George Stevens est plutôt optimiste. Il date de 1956, de 60 ans donc, mais a plutôt bien vieilli. Je ne l'avais jamais vu ; il est rarement programmé dans les salles d'art et d'essai, probablement du fait de sa longueur : 3 heures 21. Je l'ai trouvé meilleur que ce à quoi je m'attendais. Ça n'est pas un chef d'oeuvre, mais l'ampleur de la reconstitution et la qualité d'interprétation font que c'est mieux qu'un simple bon film. Et certaines scènes, certains détails de mise en scène sont remarquables.
Adapté du roman éponyme d'Edna Ferber publié en 1952, le film se déroule sur trente, quarante ans et suit l'évolution principalement de trois personnages : Leslie et Jordan qui se rencontrent et se marient au début de l'histoire (lui, 30 ans, étant le propriétaire d'un ranch de 298.000 hectares au Texas) , et Jett, un modeste employé de Jordan, du moins au début. Ils sont, comme on sait, interprétées par trois stars hollywoodiennes : Liz Taylor, très belle (elle avait 24 ans) et très bonne dans son rôle comme souvent, Rock Hudson (armoire à glace ambulante, au sommet de sa notoriété) et James Dean, dans son 3ème et dernier rôle au cinéma (il est mort quelques jours après la fin du tournage, alors que la post-production était en cours). Leslie, Jordan et Jett sont entourés de beaucoup de personnages secondaires, joués par des acteurs connus, tels que Carroll Baker, Rod Taylor, Sal Mineo, Dennis Hopper, etc., tous jeunes à l'époque (18-30 ans) et... presque tous morts aujourd'hui : Carroll Baker est l'unique rescapée des noms que j'ai cités et ça fait quand même assez drôle de les voir à l'écran jeunes, beaux et pleins de vie, tout en les sachant devenus poussière, parfois depuis longtemps. Cette grande fresque (pleine d'action, de passion, de fureur, de grandeur, d'ambition, avec des domaines et troupeaux gigantesques, et où le pétrole et l'argent coulent à flots) en devient forcément un peu mélancolique.
Et il y a quelques scènes remarquables, notamment celle-ci qui dure 5 bonnes minutes et nous montre Leslie / Liz Taylor et Jordan / Rock Hudson, couple ayant désormais atteint la cinquantaine, couchés vers 23 heures chacun dans un lit, les deux lits étant côte à côte avec, entre, une table de nuit ; chacun a quelque chose à révéler à l'autre, lui c'est un secret que leur fille lui a confié pour qu'il se charge de convaincre Leslie, et elle un secret que leur fils lui a confié pour qu'elle se charge de convaincre Jordan. Les deux savent que l'autre va mal réagir à ce qu'il / elle est chargé(e) de lui dire, mais aucun des deux ne sait que l'autre a aussi un secret difficile à lui révéler. Les deux personnages nous font face dans leurs lits respectifs et la façon dont la discussion se déroule est pleine de finesse et désopilante à regarder. C'est une des meilleures scènes que j'ai vues au cinéma. Elle prouve amplement que George Stevens est un réalisateur (de l'âge d'or d'Hollywood) capable du meilleur.
Tout dans les 201 minutes du film n'est pas de ce niveau, mais ça reste toujours très honnête pour ce qui est de la qualité, si bien qu'on suit l'histoire avec intérêt et plaisir jusqu'au bout, malgré quelques cassures (ou baisses) de rythme inévitables compte tenu de la longueur.
Par contre, j'ai trouvé James Dean un peu moins bon, un peu moins crédible que dans ses deux premiers films, surtout vers la fin quand il est grimé en homme de 60 ans alors qu'il n'en a que 24 (il faut dire à sa décharge qu'il est mort avant que les prises de son de sa voix ne soient effectuées ou complétées, si bien qu'il a dû finalement être doublé à ce niveau-là par un de ses amis : ce n'est pas lui qui parle dans le film). Mais il reste très émouvant à regarder, dès lors qu'on sait que ces images de lui ont été capturées durant les toutes dernières semaines, les tout derniers jours, de son passage sur terre.

Fleming
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le 23 mai 2016

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