Garde à vue, c’est l’histoire d’un homme mort. Oui, bien sûr, il y a les cadavres des jeunes filles. Des jeunes filles atrocement assassinées. Mais il y a un autre corps : celui de maître Martinaud, notaire. Il est vivant mais il est mort. C’est un homme seul, un homme défait, un homme gelé. Il est pâle, il est hagard ; son regard est vide. Il est enfermé dans un manteau trop grand pour lui. Il est prisonnier de son costume noir et de ses idées sombres. Il sourit mais il n’est pas là. Il n’existe plus depuis bien longtemps. Il va même jusqu’à s’accuser de crimes qu’il n’a pas commis. Quelle masse de désespoir faut-il pour s’accuser de crimes que l’on n’a pas commis ? – Un désespoir insondable, le désespoir de n’être pas aimé. Pas aimé par qui ?
Par la plus belle qui soit, évidemment : Romy Schneider. Une femme à la beauté stupéfiante mais au cœur de pierre. Une femme qui hait et méprise son mari, maître Martinaud, notaire. Une femme qui va jusqu’à l’accuser d’avoir abusé de la petite Camille pour suggérer qu’il ait pu tuer deux autres petites filles… Quelle noirceur faut-il avoir au fond de son cœur pour oser porter une telle accusation ? Une accusation qui peut conduire son mari droit à l’échafaud...
Seulement voilà : maître Martinaud a la gueule de l’emploi. Il est cynique et ironique. C’est un notaire patibulaire. C’est un notable insupportable. C’est le coupable idéal. Il endosse ce rôle avec un plaisir masochiste. Qui pourrait croire que derrière ce bourgeois de province se cache un homme sensible et désespéré, terrassé par le désamour de sa femme ? Personne, sauf peut-être l’inspecteur Gallien, joué par Lino Ventura. Il faut voir sa tête défaite quand il comprend enfin la vérité.
Claude Miller nous aura prévenus : le délit de sale gueule ne résiste pas longtemps à l’irruption de la vérité : la vérité toute nue.