Des jeunes de banlieue fuient la région parisienne alors que des émeutes éclatent suite à l'arrivée, au second tour des présidentielles, d'un candidat de l'extrême-droite (oui, Xavier Gens s'est inspiré d'événements qui sont malheureusement véridiques). Les quatre jeunes, avec parmi eux la sublime Karina Testa, ont une raison supplémentaire de fuir : il y a une histoire de magot pas claire, et les flics leur courent après. Cet aspect des choses sera vite écarté, et on n'en saura pas plus. La petite bande arrive à la frontière luxembourgeoise et s'arrête dans un gîte, tenu par des néo-nazis consanguins portés sur les armes tranchantes et pétaradantes, qui vont s'ingénier à les découper chacun leur tour - sauf la belle Karina Testa : il faut bien renouveller le sang de leur petite communauté... Il se trouve en plus qu'elle est déjà enceinte, ce qui les incite à plus de bienveillance, jusqu'à ce qu'elle se rebelle et fiche en l'air leur nazi-way-of-life.

Il y a un message dans ce film d'horreur : les jeunes fuient un pays rongé par l'extrémisme, mais le danger les rattrappe sous la forme de ces néo-nazis, encore plus dangereux. Le final se veut noir et ironique sur la question. Mais le message est trop premier degré. C'est peut-être ce qui réduit son impact. Il est diffusé directement, à grand renfort d'images d'archives, de commentaires éclairés de présentateur télé/radio. Peu de mystère subsiste quand à l'origine des bouchers qui tiennent le gîte. En substance, le film n'offre que peu de marge à la réflexion, pourtant nécessaire vu le thème abordé, et se paie le luxe de terminer sur un final du genre "ben oui, le monde c'est de la merde". Dans le genre massacre qui se veut porteur d'un message, je préfère encore les Hostel 1 et 2 : bien que leur discours sur la violence et la misère soit à prendre avec un peu plus de pincettes, il n'est pas énoncé de manière didactique ; c'est le spectateur qui doit se forger son opinion en le décryptant. C'est ce qui manque à Frontière(s).

Les dialogues ne paient pas de mine et sont parfois ridicules comparés à la situation. Le film présente en revanche des scènes de gore très efficaces pour ce qu'elles sont, et une photo impeccable. C'est ce problème de message qui reste à la fin : on ne sait pas si on doit réfléchir ou pas. On en sort certainement perturbé par sa violence assez inédite pour un film français, mais un peu sur sa faim. On fait un film gore profond, ou bien on n'y glisse pas de message. Rester entre deux, balancer les faits un par un plutôt que de laisser le spectateur les appréhender, n'apporte finalement pas grand-chose à l'ensemble.

En bref, film d'horreur assez efficace mais pas mémorable. Pour exemple, je n'ai pas aimé The Descent sur le moment, mais plus le temps passe et plus ce film me hante. Frontière(s), lui, ne me laissera tout simplement aucune impression durable.
Rasebelune
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le 7 juil. 2010

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Rasebelune

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