Hommage à Stuart Godon : Deuxième et Dernière Partie

Cette critique fait suite à celle sur Re-Animator vous invite à consulter (l'introduction et la conclusion seront sensiblement les mêmes : https://www.senscritique.com/film/Re_Animator/critique/116715547?fbclid=IwAR327ES7Fm9nTt5mK3yZo9uW8RdJoCe8NmYqRk0sUdaCb8wtSCmOSYKxNp4

Le réalisateur américain Stuart Gordon nous a malheureusement quitté le 25 mars 2020 à l'âge de 72 ans. Il fut maintes fois qualifié par les cinéphiles et les cinéastes du titre de "maître de l'horreur". Il est principalement connu pour être l'homme ayant le mieux réussi à adapter le célèbre écrivain H.P.Lovecraft au cinéma. peut-être connaissez-vous certaines oeuvres cultes pour les fans du genre telles que Re-Animator en 1985 ou bien encore Dagon en 2001 (probablement l'une des meilleures adaptation du Mythe de Cthulhu selon moi). Il fait partie du trio ayant le plus travaillé sur les adaptations de l'écrivain avec l'acteur Jeffrey Combs (la trilogie Re-Animator, Necronomicon, From Beyond,...) et le producteur / réalisateur Brian Yuzna (Re-Animator 2 et 3, Necronomicon, Society,...).

From Beyond, sorti en 1986, reste mon oeuvre préférée du cinéaste et est adapté d'une nouvelle d'à peine sept pages. Je n'ai lu que peu de Lovecraft donc il serait difficile pour moi de juger l'aspect de l'adaptation. Cependant, j'en sais assez pour constater que l'univers retranscrit dès le début du récit l'ambiance poisseuse et les concepts/entités menant à la folie de l'Homme présent chez l'écrivain. Le film sort un an après Re-Animator et le duo Gordon/Yuzna décide de faire de ce nouveau métrage une oeuvre plus gore, plus forte mais surtout plus viscérale que la précédente.

From Beyond met en scène (et en opposition) à la manière du film précédent deux savants fous. Le Dr.Pretorius (tenant son nom de l'antagoniste de La Fiancée de Frankenstein de James Whale) et Crawford Tillinghast interprété par Jeffrey Combs. Ils mettent au point un appareil censé stimuler la glande pinéale (ou épiphyse), organe peu connu situé dans le cerveau. Cette expérience aurait pour but de voir à travers les dimensions, au-delà du réel. Cela révèle et ouvre la porte à toute sorte de créatures lovecraftiennes. Carwford survit mais est interné, alors qu'il reçoit l'autorisation de continuer ses expériences sous surveillance, il se rendra compte que Pretorius n'est peut-être pas tout à fait mort. Il semble vouloir rejoindre notre dimension, cette fois sous les traits d'une abomination libidineuse.

Gordon réutilise le duo d'acteur du film précédent à savoir Jeffrey Combs et Barbara Crampton (fantasme d'une génération à l'époque dont il ne m'étonnerait pas que le réalisateur soit lui-même amoureux). Mais y ajoute Ken Foree, grand habitué du cinéma de genre que vous pouvez retrouver dans certains films de Rob Zombie ou bien entendu dans le célébrissime Dawn of the Dead de George A. Romero dont je vous ai parlé il y a quelques jours. Les acteurs sont excellents, la palme revenant principalement à Combs qui nous offre une excellente prestation dans un rôle loin d'être facile et se permettant beaucoup moins le ton plus léger et comique (mais pas moins excellent) du premier Re-Animator. From Beyond est un pur produit horrifique de son époque "eighties" faisant partie du haut du panier, quatre équipes travaillaient d'ailleurs d'arrache-pied sur les effets spéciaux. Il est souvent reconnu que ce cinéma a vieilli mais je suis plutôt en désaccord avec cette idée. Rien ne vaut un visuel plastique et présent à l'écran par des artisans professionnels, les effets spéciaux à l'ancienne comptent beaucoup pour moi. Sentir la présence des créatures et accessoires à l'écran est quelques chose qui se perd malheureusement beaucoup aujourd'hui. Gordon fait partie de ces réalisateurs sachant dévoiler des scènes explicitement gore terriblement plaisantes pour le spectateur. Le film peut sembler grotesque par moment mais s'assume pleinement en offrant une oeuvre à la fois jouissive et dérangeante.

Le film fait plus que Re-Animator sur plusieurs points comme exposé plus tôt. Il continue dans la même idée de travailler encore plus fort les couleurs flash à l'écran. Cependant, le travail accompli sera ici supérieur. From Beyond offre un résultat plus que concluant au niveau des éclairages nous rappelant un certain Suspiria par moments. Le long-métrage est teinté de couleurs fantasmagoriques semblant irréelles, soulignant également l'incompréhension métaphysique pour l'être humain de ces nouvelles dimensions. Le film offre des visions appuyant énormément le concept de sexualité à travers ces couleurs vives, le design des créatures ou certains objets proposant certaines visions explicitement phalliques. Les personnages eux-même sembleront parfois agir sous l'influence d'une force qu'ils ne maîtrisent pas. L'humour et le second degré sont ici quasiment absents au profit d'un récit nous plongeant au coeur de visuels et concepts indescriptibles pour l'Homme. Nous sommes en plein dans le mythe lovecraftien.

Le film offre son lot de séquences d'anthologies, notamment la transformation du Dr. Pretorius, la scène de la cave et surtout le passage nous dévoilant la stimulation du "troisième oeil", la glande pinéale. Nous ne rentrerons pas plus dans les détails afin de garantir de ne pas spoiler le long-métrage mais nous sommes bien face à un film culte. L'univers d'H.P. Lovecraft s'y trouve fort bien exploité et peu d'adaptations cinématographiques de l'écrivain s'en sortiront aussi bien (le seul contre-exemple que j'ai en tête hors Stuart Gordon serait L'Antre de la Folie du génial John Carpenter). Les idées fortes sont bien présentes et le film réussit à retranscrire cette vision d'un monde inconcevable pour l'Homme dans sa forme, ses concepts et sa réalité. From Beyond est un digne représentant d'un cinéma sans CGI parvenant à nous offrir des créatures belles derrière leurs intentions et leur laideur pourtant évidente. Stuart Gordon réussit à travers ces monstres visqueux à exposer frontalement toute la dimension lovecraftienne de l'une des meilleures manières. Un film culte à voir au moins une fois selon moi!

Même si ses oeuvres principales ont aujourd'hui toutes plus de trente ans, et que la seconde moitié de sa filmographie est peut-être beaucoup plus dispensable, il en reste que le cinéaste nous aura offert son lot d'oeuvres cultes qui resteront gravées à jamais dans la tête des spectateurs et des cinéphiles.

Stuart Gordon, merci pour tout !