Chirac en prison

Sans trop de surprise, pour son second film tourné aux US (le premier étant Young Guns 2, et vu que je n'ai pas vu le premier, ça attendra), on sent que Geoff Murphy n'a pas vraiment été aux commandes de son film, comme bien d'autres avant lui. Freejack est filmé sans aucun génie, il y a eu de nombreux reshoots et ça se sent : on est sur des rails. Certes, ce n'est pas pour l'audace de sa mise en scène ou de ses plans-séquences que j'apprécie le réalisateur, mais ici, il n'y a rien, même la photographie d'Amir Mokri est terne.

Freejack est une dystopie (on sait que c'est une dystopie car il y a un Président Européen, mais aussi parce que les citoyens se comportent dans l'IRL comme s'ils étaient dans le lobby de Fortnite) dans laquelle l'action se déroule en 2009 (le futur du passé !) et, bien que le postulat de départ implique le voyage dans le temps, ce thème n'est pas du tout traité dans le film. À la place, le scénario met davantage en avant le fait de pouvoir accaparer le corps d'un autre, de passer d'un vieux corps usé, à un corps d'homme jeune et dynamique… décidément, Get Out n'a rien inventé.

L'ensemble est beaucoup trop prévisible. On sait par avance qui va faire quoi, qui va trahir qui. Même la rédemption de de Victor Vacendak (interprété par Mick Jagger, vous avez bien lu) nous est expliquée frontalement, au cas où nous serions trop cons pour comprendre quoi que ce soit.

Vous l'aurez compris, le scénario est mauvais. Mais le pire, c'est que trois scénaristes différents ont bossés sur ce long-métrage (quatre si on compte Robert Sheckley, l'auteur de Immortality, INC., l'œuvre qui a inspiré le film dont il est question ici)… bon après, sur les trois scénaristes, deux ont bossé sur King Kong 2… il ne fallait pas s'attendre à un miracle, j'imagine. D'ailleurs, anecdote à la con qui m'a fait marrer, le dernier des trois scénaristes, Dan Gilroy, le réalisateur du très bon Night Call, a, lui aussi, bossé sur le scénario d'un King Kong, en l'occurrence, Skull Island. Comme quoi, un certain pattern se dégage de ce film.

Les acteurs ne sont pas bons et, bien que la présence d'un Mick Jagger surprenne forcément, c'est probablement lui qui s'en sort le mieux. Le couple incarné par Emilio Estevez et Rene Russo ne fonctionne pas ; le sous-estimé Jonathan Banks (Mike dans Breaking Bad) s'en sort un peu mieux, mais le personnage ne possède aucune nuance (on y revient encore une fois)… le pire reste tout de même Anthony Hopkins qui ne cache à aucun moment le fait qu'il n'avait absolument pas envie d'être là. Il y a de quoi regretter l'absence d'un Bruno Lawrence, acteur fétiche du réalisateur, du moins lorsqu'il tournait encore en Nouvelle-Zélande.

Pour un film de science-fiction, ça fait très cheap (le film a pourtant couté 30 millions de $). Les véhicules sont ridicules, mais à la limite, ça participe au charme du truc. Autre détail que je suis prêt à accepter vu que ça participe aussi au charme du film : les effets 3D qui font bien début des années 1990 à la toute fin du film. Rien de mieux pour clore ce type de film que de la 3D moche, un véritable plaisir ! Par contre, entre l'introduction, et le reste du film, qui se déroule 18 ans plus tard, rien n'a été fait pour vieillir les acteurs ou pour faire en sorte qu'ils paraissent plus jeunes durant l'introduction.

Malgré tout, j'ai aimé regarder ce film. Ce n'est pas bon certes, mais ça reste un nanar divertissant. Bon après, j'ai aussi eu beaucoup de mal pour la carrière de Geoff Murphy en regardant ce truc, comme si on le tuait à petit feu, qu'on le torturait. Et quitte à voir quelqu'un se faire torturer, je préfère aller sur BestGore ou regarder un snuff movie, question de bon sens (mon agent attitré de la DGSI est déjà au courant, inutile de faire remonter).

Par contre, si vous souhaitez regarder un (très) bon film de SF, lui aussi réalisé par Geoff Murphy, tournez-vous vers The Quiet Earth, bien plus audacieux et pertinent, pour un budget ridicule comparé à Freejack.