Sacré combat pour l'égalité des droits aux USA

FREE LOVE est inspiré du combat de deux femmes amoureuses contre leur comté dans le New Jersey, afin que Stacy Andree puisse toucher la pension de sa compagne officier de police Laurel Hester, au décès de celle-ci. Dans la réalité, non seulement elles ont obtenu gain de cause en 2003, mais elles ont également permis de bousculer les certitudes et de faire évoluer la position de la Cour Suprême américaine en faveur du mariage gay en 2015. A l’origine du film, il y a le documentaire Freeheld multi-primé que Cynthia Wade, d’ailleurs productrice du film, a réalisé sur Laurel et Stacey. La traduction française du titre original FREEHELD aux États-Unis ôte d’ailleurs la notion de tolérance contenue dans le titre original, le ramenant à une histoire d’amour libre.


Vous l’aurez donc compris, il s’agit d’un film militant et politique sur l’égalité des droits, la reconnaissance de ces droits par les autorités et le mariage gay. Baser un scénario de fiction sur un sujet réel aussi délicat encourt quelques risques. Un risque de confusion pour le public tout d’abord, car même si le réalisateur de FREE LOVE traite de l’homosexualité à l’écran (voir notre dossier), il aborde surtout l’égalité légale et sociétale entre hétérosexuels et homosexuels. Un risque aussi pour le réalisateur d’être un peu trop écrasé et contraint par l’ampleur du sujet et de retomber dans le documentaire. Le début et l’épilogue étant connus, le scénariste a effectivement un peu trop meublé entre les deux, manquant de suffisamment de matière et de suspense pour tenir sur la longueur.


Un risque enfin à s’aventurer à critiquer un tel film : il s’agit de veiller à ne pas être taxé, si la critique est bonne, de parti pris, et si la critique est mauvaise, au mieux d’anti-mariage gay et au pire d’homophobe. Nous vous rassurons donc sur ce point primordial : nous sommes restés sur le territoire purement objectif, impartial, apolitique et cinématographique.


La première partie de FREE LOVE qui porte sur la rencontre amoureuse n’a franchement que peu d’intérêt. Elle est surtout utile pour poser le contexte et amener le spectateur sur le terrain de l’empathie. Julianne Moore interprète Laurel avec tact, et comme souvent, est touchante. Laurel va dans d’autres comtés pour faire des rencontres, toujours sur le qui-vive, veillant à ce que son homosexualité ne soit pas révélée. Ron Nyswabner, scénariste de Philadelphia, et le réalisateur Peter Sollett ont bien brossé son personnage de femme officier de police compétente qui évolue dans un monde d’hommes homophobes, qui contrôle tout et dont la seule touche de féminité qu’elle s’autorise est son brushing. Tout un symbole puisqu’elle perdra ses cheveux avec la chimio et finira rasée. La déchéance de son corps subtilement montrée par le réalisateur est d’ailleurs très émouvante.


Très investie dans ce projet et cette cause, d’une part parce qu’elle est co-productrice et d’autre part parce qu’elle a fait son coming out il y a deux ans, Ellen Page interprète la jeune Stacy. Une Stacy sensible, un peu paumée face aux événements, évoluant elle aussi dans un monde d’hommes et de voitures, mais qui assume pleinement son homosexualité et donnera confiance en Laurel.


Le réalisateur nous donne à voir dans la seconde partie du film trois belles évolutions humaines grâce à cette tragédie du cancer et du combat. Tout d’abord, celle de Laurel et son passage de l’ombre de sa sexualité à la lumière médiatique est très bien montré dans le film. Puis l’évolution de son partenaire flic Dane Wells (Michael Shannon, excellent de densité et de justesse, comme dans 99 Homes), vaguement amoureux d’elle mais qui va se battre à ses côtés sans la juger. Il se démènera pour trouver des solutions et permettra de changer le regard de ses collègues. Nous vous conseillons d’ailleurs de voir le film en VO sous-titrée, parce que l’homonymie de certains mots a un sens, comme celui de « partner », doublement employé à propos de Dane et de Stacy. Enfin, la transformation et les doutes de Bryan Kelder, l’un des cinq conseillers du comté, qui fera pencher la balance face aux traditions, aux certitudes, aux enjeux de pouvoirs et au pseudo-honneur des conseillers. Le rôle est tenu par le formidable Josh Charles, récemment croisé dans Masters Of Sex.


Le réalisateur, hélas, ne nous épargne pas certains clichés dans la mise en scène. Ainsi l’interrogatoire d’une prévenue par Laurel qui à mots couverts raconte sa vie, ou l’intervention de l’avocat haut en couleur et récupérateur du combat des deux femmes pour sa cause du mariage gay, joué par un Steve Carrell gigotant et fatigant. Au final, suivre ce combat extraordinaire mené par ces deux citoyennes ordinaires pour l’égalité des droits est intéressant, mais nous laisse un peu à distance de nos émotions.


Critique de Sylvie-Noëlle pour Le Blog du Cinéma

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le 12 févr. 2016

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