La parodie est un genre casse-gueule dans lequel Mel Brooks a excellé très souvent, puisqu'il a brocardé le western avec le Sheriff est en prison, le cinéma muet avec la Dernière folie, l'univers Star Wars avec la Folle histoire de l'espace ou les films d'Hitchcock avec le Grand frisson... Ici, il se paye les vieux monstres Universal et le mythe de Frankenstein d'après le roman de Mary Shelley, le pari était d'autant plus risqué que les parodies fantastiques étaient rares à l'époque, les 2 seules réussies étant le Bal des vampires et Docteur Jerry & Mister Love.
Le réalisateur vise donc l'âge d'or des films d'épouvante à la Universal, notamment les 3 principaux films réalisés par James Whale avec Boris Karloff, Frankenstein, la Fiancée de Frankenstein et le Fils de Frankenstein (ce dernier réalisé par Rowland V. Lee), le public ciblé est donc plutôt cinéphile et connaisseur.
Les références-hommages sont multiples et la précision de la reconstitution est vraiment soignée et superbe, jusque dans la photo en noir & blanc. Mais la force de Mel Brooks est telle que son comique se suffit à lui-même, il aime gambader dans les plate-bandes des autres, il aime piétiner et bousculer pour mieux s'en nourrir avec tendresse où le gag dépend non seulement de sa référence cinématographique, mais aussi de son impact immédiat sur le public. A ce titre, la référence la plus drôle et la plus réussie est sans conteste la scène de l'ermite aveugle, où Gene Hackman est excellent dans un rôle à contre-emploi (et étrangement non crédité au générique). A cela s'ajoutent quelques scènes mémorables, un running gag (le hennissement des chevaux lorsqu'est prononcé le nom de Frau Blücher), et des allusions sexuelles subtiles qui en 1974 évitent de sombrer dans la vulgarité comme ce sera parfois le cas dans les films ultérieurs de Brooks ; ce serait fait aujourd'hui, l'humour serait sûrement beaucoup plus gras.
Tout ceci donne une ambiance joyeuse où les acteurs sont une des clés de l'efficacité du film. Mel Brooks s'entoure en effet de sa bande habituelle : un Gene Wilder maniaque (On prononce Fronkenstine), Marty Feldman dont l'incroyable faciès sied parfaitement au domestique bossu Igor (prononcé "aillegore"), capable de voler un cerveau anormal, Kenneth Mars hilarant dans le rôle de l'inspecteur Kemp au bras mécanique chaotique, Cloris Leachman dans le rôle d'une gouvernante qui effraie rien qu'en prononçant son nom, sans oublier la délicieuse Madeline Kahn qui joue les fiancées virginales et qui sera consolée de façon inhabituelle. Se joignent à eux des acteurs qu'on croyait sérieux, comme Peter Boyle qui campe un monstre plutôt débonnaire, et Teri Garr qui assume avec une réjouissante santé son rôle d'assistante du docteur Frankenstein.
Ce film est sans aucun doute le meilleur de Mel Brooks, c'est dû à la réunion de tous ces éléments, il signe un véritable chef-d'oeuvre comique qui garde toujours la même magie et la même folie.

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le 22 avr. 2017

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