Premier film de Christopher Nolan, Following montre que le talent n'attend pas forcément les années et l'expérience. Même si le format condensé du film souligne qu'il s'agit d'un premier, on y retrouve déjà les centres d'intérêts du metteur en scène, aussi bien ces thèmes de prédilection que les habitudes de narration qui vont constituer sa marque de fabrique. Comme pour tout premier film (ou presque...), le budget semble avoir été limité, les acteurs sont inconnus, peu nombreux et la presque totalité des scènes a été tournée en intérieur.

Le passe-temps favori de Bill est de suivre dans la rue des gens qu'il choisi au hasard, Bill est un loser authentique, sorte d'étudiant ayant oublié de grandir et convaincu qu'il est un grand écrivain potentiel, il affirme suivre des gens pour trouver de la « matière ». Il fini par ne plus choisir au hasard ceux qu'il suit et tombe sur Cobb, cambrioleur aux étranges principes moraux qui va l'entraîner et l'initier, pour l'adrénaline, à ce violon d'Ingres si particulier. Bill, qui au départ n'avait pas grand chose, va perdre le peu qu'il lui restait.

Christopher Nolan est un excellent raconteur, il sait captiver le spectateur avec peu de choses car il sait quoi raconter et surtout comment le raconter. Il est un technicien de la narration, là où d'autres ne cesseraient de s'égarer (et nous avec) au milieu des flash-backs répétitifs, il sait poser des indications récurrentes qui font que les pièces du puzzle s'assemblent sans effort et le plus naturellement du monde. C'est un vrai tour de force que d'arriver à raconter une histoire si peu linéaire avec autant de fluidité. Une salle d'interrogatoire, une coiffure, des photos suffisent à nous replacer instinctivement dans le bon déroulement de l'histoire.

Le noir et blanc qu'il a choisi, associé à sa sobre mise en scène, donne une étonnant sensation d'intimité avec les deux principaux acteurs. S'il étaient inconnus à l'époque et le sont toujours à ce jour (à part un rôle dans Batman Begins pour Jeremy Theobald, rien d'autre pour Alex Haw), tous deux incarnent parfaitement ces oppositions qui semblent les rapprocher et les unir pendant un temps. L'un se soucie peu de son apparence, a une vie dissolue et ne ressemble à rien quand l'envie lui prend de mettre un costume. L'autre est coquet, mange dans les meilleurs restaurants et porte des costumes sur mesures. Ces personnages contradictoires servent une relation vraiment particulière et parfois totalement malsaine.

Le seul point faible de ce film tient dans l'aspect un peu artificiel de certains deus ex machina qui paraissent au mieux inintéressants et ne provoquent aucune surprise chez le spectateur, au pire semble irréalistes et de plus prévisibles. Cela se traduit vers la fin par la déception d'avoir l'impression de ne pas comprendre quelles ont été les motivations de chacun lorsqu'apparaît le mot « fin ». Le plus frustrant étant que Nolan ne donne pas le moindre petit début de piste qui nous donnerait l'envie de nous creuser la cervelle.

Mais cela reste un détail, on s'est quand même bien régaler, heureux de constater que Christopher Nolan fait désormais partie de ces réalisateurs majeurs dont on regardera le premier film, non seulement par curiosité cinéphilique et patrimoniale, mais aussi parce-qu'on saura qu'on va voir un vrai bon film. Quand on voit les premières œuvres de certains, c'est déjà énorme.
Jambalaya
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le 8 avr. 2013

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