50 nuances moins bien

Dans ses meilleurs moments ce simili-"refaisage" (en moins bien) de Fleur secrète (1974) ressemble à un film tourné en caméra HD****** par Ovidie pour la société Colmax. Dans ses pires moments, le film ressemble à l'une de ces OAV japonaises de 30 minutes produites en série dans les années '90, avec des acteurs qui surjouent la moindre émotion (comme de mauvais doubleurs d'OAV miteuses) et un réalisateur qui insiste comme un neuneu, empilant les effets de manche (zooms, plans "ta-ta-tin" ridicules etc). Pas très engageant. La première séquence à caractère sexuel prend place à la 31ème minute, juste après une valse au son d'un sous-Clayderman qui met fortement à contribution la patience du spectateur déjà las. Fâcheuse impression de se retrouver à 23h54 devant M6, un Dimanche soir de 1996 (on le sait, on y était). Mais on tient. On ne sait pas trop pourquoi... Peut-être dans l'espoir de revoir Susumu Terajima (dont on a aimé chaque prestation chez Takeshi Kitano) qui apparaissait quelques minutes auparavant mais non, il n'a bien que 47 secondes à l'écran dans ce film et ne réapparaîtra plus. Toujours est-il que l'on tient bon mais que l'on n'est pas récompensé pour autant. Pas de feux d'artifice, pas d'applaudissements des voisins à la fin du film, pas de bruits de casserole aux fenêtres pour le marathonien de l'extrême. Rien. Juste la désespérante solitude du cinéphage vaguement honteux qui a laissé filer 90 minutes de sa triste existence.

Malgré tout, le déroulement du script tient la route (pour un DTV érotique, s'entend). Les quelques modifications, apportées par le réalisateur Takashi Ishii, rendent le mari de l'héroïne plus pathétique que pervers (cf l'original) mais soulagement : la moralité propre sur elle l'emportera à la fin. Toutes ces souffrances n'auront pas été vaines et la vengeance pourra s'accomplir sur tous ces hommes aveuglés par leurs désirs lubriques, puisque la gentille épouse reprendra le dessus in extremis, non sans perdre la raison (il ne faut pas pousser non plus). Issue féministe donc (cynique ou rigolarde selon celui qui la regarde), satisfaisante quoiqu'un peu attendue. On est quand même loin de l'original, bien plus cruel, plus dur, presque immoral. Signe de l'époque, peut-être. Si quelques effets numériques peuvent l'horrifier (la scène du serpent digne d'une animation GX-4000 et c'est à peine exagéré), quelques séquences SM de bondage, typiques du genre, parviennent à maintenir le spectateur en alerte. Pour le "garde à vous", il repassera, mais il frémit, c'est déjà ça. D'ailleurs, la superbe Aya Sugimoto, l'actrice principale, donne tout ce qu'elle a et connaissant la réputation de ce type de tournages et celle de l'industrie cinématographique japonaise toute entière : chapeau à elle. Espérons qu'elle n'a pas subi de séquelles physiques et / ou psychologiques, autre que la séquelle dans laquelle elle a également tournée. Vu les incapables qui se sont occupés de ce "refaisage en moins bien", on est en droit de se poser la question.

****** : la même caméra HD qui a été utilisée pour tourner Collateral, Spy kids 2, American splendor, Twixt, Ali, Moi, toi et tous les autres, Vidocq, L'attaque des clones, Capitaine Sky et le monde de demain, L'Homme sans âge, Tetro, Desperado 2 : Il était une fois au Mexique... Une précision nécessaire car on serait tenté d'incriminer le matériel pour le rendu assez moche du film mais, après recherches, et vu cette liste de films, allant du chef-d’œuvre jusqu'à la pire dégénérescence filmique ; il apparaît très nettement que le problème n'est pas l'outil mais ceux qui l'utilisent...