Stanislas Borowitz,as de l'IGS,la police des polices,quitte Paris pour la Côte d'Azur où il doit enquêter secrètement sur le meurtre d'un commissaire corrompu.C'était l'époque où Jean-Paul Belmondo,devenu la mégastar des films français grand public,ce qu'on appelait alors le cinéma commercial,avait complètement lâché les élastiques.Il était devenu l'alpha et l'oméga des oeuvres dont il était la vedette.Sur les affiches,en dehors du titre,seuls son nom et son portrait apparaissaient,ce qui suffisait à aspirer les spectateurs vers les salles,ceux-ci se foutant bien de savoir si le réalisateur s'appelait Verneuil,Lautner ou Deray,qui étaient les autres acteurs ou quel était le sujet du film,dont le titre indiquait à peu près la teneur.On allait voir le nouveau Bébel et c'est tout.Peut-être cette situation a-t-elle entraîné un certain relâchement et une tendance à la facilité chez les producteurs et les auteurs,ce qui expliquerait la relative faiblesse de "Flic ou voyou".La bande habituelle est aux manettes: c'est coproduit par Cerito,la boîte de Belmondo et René Château,et la Gaumont d'Alain Poiré,réalisé par Georges Lautner,Philippe Sarde a composé avec talent la musique et les cascades sont réglées par Claude Carliez ,et Rémy Julienne pour la partie automobile.Ce qui pêche,c'est le scénario,pourtant dû à une belle plume,celle de Jean Herman,plus connu comme romancier sous le nom de Jean Vautrin,Prix Goncourt 89 s'il-vous-plait,qui adapte ici le roman de Michel Grisolia "L'inspecteur de la mer".Le problème est que le script ne trouve jamais le juste équilibre entre comédie et polar et verse trop souvent dans l'excès de guignolade.Vouloir faire un policier parodique est une bonne intention,c'était même la spécialité de Lautner,mais là tout est agencé de manière à servir de véhicule aux numéros largement excessifs d'un Bébel en roue libre qui pérore et gesticule insupportablement.L'intrigue dépasse donc allègrement les limites de la vraisemblance avec ce flic boeuf-carottes qui agit en solo et met la Côte d'Azur à feu et à sang en provoquant des incendies,en faisant exploser des bombes,en tabassant des gens à tout-va,en organisant ou exécutant des massacres,tout ça avec le tranquille aval de sa hiérarchie.Même dans un cadre fictionnel et parodique,c'est tellement exagéré que ça ne fonctionne pas,d'autant que ça se greffe sur une histoire policière sérieuse réellement traitée par ailleurs avec de la criminalité,de la guerre des gangs et des flics ripoux.Et comme on en fait également beaucoup trop dans un humour très mal dosé,ça tourne volontiers à la pitrerie clownesque.Belmondo change sans arrêt de vêtements ou de voitures,drague avec succès toutes les filles et débite de longues tirades en moulinant des bras,tout en se livrant à de nombreuses cascades,qu'il exécute lui-même comme à son habitude.Il semblerait en fait que Lautner ait tenté de refaire "Les tontons flingueurs" seize ans après.Même réalisateur,même dialoguiste en la personne de Michel Audiard,et la présence dans les deux films de l'acteur Venantino Venantini le laissent penser,d'autant que des références apparaissent dans "Flic ou voyou",comme ce titre de film au fronton d'un cinéma,"Le terminus des prétentieux",une des réplique culte des "Tontons",ou le patronyme de Volfoni attribué à un caïd niçois et qui était celui des frères gangsters joués par Bernard Blier et Jean Lefebvre en 63.Seulement la différence est que "Les tontons" était une pure comédie et absolument pas un polar,d'ailleurs on n'y voyait pas de flics et tout se passait dans le milieu des truands.Le fil narratif était approchant,avec un personnage intrigant en coulisse pour monter les gangs les uns contre les autres afin d'en tirer profit,mais on se foutait complètement des conséquences de ces manigances,tout n'était que prétexte à la marrade,c'était sans enjeu moral ou dramatique.C'est pour cela que ce qui marche dans "Flic ou voyou",en plus de quelques gags qui font mouche et de quelques scènes d'action bien emballées par Lautner,c'est les dialogues brillantissimes d'Audiard,qui faisaient déjà l'essentiel de l'intérêt des "Tontons flingueurs".Au-delà des situations pas toujours très drôles et de la frime lassante de Belmondo,l'acuité insolente des répliques de l'immense Michel porte littéralement le film avec un humour étourdissant,d'autant qu'elles sont relayées par une troupe d'acteurs,pour la plupart des habitués du Bébel Show,absolument extraordinaire.Georges Géret et Claude Brosset sont fabuleux en parrains de la pègre rivaux,tout comme le génial Jean-François Balmer et l'italien moustachu Tony Kendall en flics pourris.Michel Beaune et Catherine Lachens forment un savoureux couple d'hôteliers faux-jetons et Venantini est parfait en maquereau.Il y aussi Michel Galabru en commissaire désabusé,Charles Gérard en patron de sauna placide,Michel Peyrelon en homme de main cauteleux ou Philippe Castelli en examinateur du permis de conduire imperturbable.Julie Jézéquel,espiègle et mutine,fait sa première apparition au cinéma à 15 ans dans le rôle de la fille insolente de Borowitz qui quête l'amour de son père négligent,tandis que la belle Marie Laforêt ne manque pas de classe en maîtresse éphémère et indulgente du héros.Il est à noter que son personnage,une romancière qui s'appelle Edmonde Puget-Rostand,semble faire allusion à l'écrivain Edmonde Charles-Roux.Surtout qu'elle est en couple avec un ministre nommé Marcel Gaston alors que Charles-Roux était la compagne du célèbre Gaston Deferre.Allez,un peu d'Audiard pour la route:Borowitz oblige des voyous à baisser leurs pantalons en disant "je voudrais voir ce que vous portez en-dessous,on dit que la soie revient à la mode".Un peu plus tard,Stanislas braque une voiture d'auto-école et se livre à un impressionnant rodéo urbain avec l'examinateur à côté de lui,lequel lui déclare tranquillement à la fin de la séquence,avec l'inimitable diction traînante de Castelli:"vous êtes recalé".

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le 26 avr. 2020

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