Nous sommes en février 2017. Je sors tout juste de ma séance de La La Land, et mon avis sur le film est tout formé et sans appel: je viens de voir un des meilleurs films de l'Histoire, un film qui m'a profondément touché, bouleversé, et qui m'a laissé bouche bée. C'est la première fois de ma vie que je sortais à ce point en admiration, et surtout sans voix, d'un film.
Damien Chazelle, son réalisateur, entre désormais dans mon top 5 des meilleurs réalisateurs, et est, à mes yeux, un génie comme on en voit rarement au cinéma, encore plus impressionnant que Xavier Dolan.
Mais à ce moment, je me dis aussi que "mince, c'est dommage, la suite ne peut être que décevante du coup". Il était pour moi inconcevable que Chazelle arrive à réaliser un nouveau film qui serait au moins aussi bon que La La Land.


Puis, le 23 Octobre 2018, je suis allé voir First Man, son tout nouveau film racontant le parcours de Neil Armstrong, de ses débuts en tant qu'ingénieux pilote de X-15, jusqu'à son Premier Pas sur la lune.
Et je n'ai jamais eu autant tort de toute ma vie: Damien Chazelle l'a fait. Il a réussi l'exploit de faire un meilleur film que La La Land. Et quel film.


First Man est une réussite en tout point: la réalisation, la photographie, le jeu des acteurs, le montage, la musique, les effets visuels, le montage et mixage sonore, l'écriture, la reconstitution de l'époque, absolument tous les points possibles et imaginables dans un film. C'est très probablement ce que vous verrez de mieux au cinéma en 2018, en tout cas, c'est ce que j'ai vu de mieux, et même certains films que j'attends pourtant avec impatience tel que Creed II, Halloween, Bohemian Rhapsody, et j'en passe, pourront, à vue de nez, difficilement me faire changer d'avis.


Le film est porté par un réalisme saisissant, que ce soit grâce à la réalisation, au son, aux décors et au jeu de Ryan Gosling (qui signe ici, à mon sens, sa meilleure performance à ce jour): on sait pertinemment que Neil va s'en sortir, on sait qu'il va survivre à toutes les situations dangereuses auxquelles il est confronté, qu'il va réussir à se poser sur la lune et à rentrer, mais le film arrive à nous remplir de peur pour lui, de doutes sur sa survie, puisque la vérité est que les astronautes eux-mêmes ne savaient pas s'ils allaient survivre à leurs missions, et ce côté mortel de la course lunaire que l'on voit rarement au cinéma (ou alors, le côté très romantisé comme dans Apollo 13 de Ron Howard nous fait effectivement ressentir le danger de ces missions, mais pendant un très bref instant) est la principale force de First Man: chaque mission, même les plus "simples", pouvait signifier la mort des astronautes, purement et simplement, et le film arrive à nous le faire ressentir à chaque instant, et quand un ou des astronautes ne s'en sortent effectivement pas, le film ne nous épargne pas non plus en termes de brutalité de l'instant, la scène de l'incident d'Apollo 1 en est la preuve (il est d'ailleurs amusant de la comparer à celle dans Apollo 13 au tout début du film pour se rendre compte de la différence de ton).


L'écriture brille elle aussi dans sa capacité à être plus profonde qu'un simple film biographique : il ne s'agit pas juste ici de Neil Armstrong qui s'en va marcher sur la lune, il s'agit ici aussi des pertes et de la difficulté que représentait cette tâche à l'époque, des problèmes familiaux qui en découlent. Plus qu'un satellite naturel, la Lune est presque représentée comme une sorte de créature, de monstre inatteignable qui arrive tout de même à nous blesser sans jamais nous porter un seul coup, et pour Neil Armstrong, plus que conquérir la Lune, il s'agit pour lui de conquérir un deuil tellement difficile à faire qu'il lui faut quitter la Terre pour y parvenir.


La réalisation, que j'ai évoquée en parlant du réalisme du film, est tout bonnement magistrale : avec un style beaucoup plus documentaire que dans Whiplash ou La La Land, Chazelle nous met au plus près de ses personnages à chaque instant et fait de la course spatiale un véritable drame humain. On ressent chaque émotion des personnages, chaque problèmes technique qu'ils rencontrent durant leurs missions spatiales, et surtout, on comprend pourquoi le site d’atterrissage d'Apollo 11 est appelé la « mer de la Tranquillité » : durant la scène de la sortie extravéhiculaire, il y règne un silence qui arrive comme une sorte de bouffée d'air, et qui nous laisse seuls avec l'incroyable paysage qui est devant nos yeux. On a beau savoir que c'est faux, fait en studio, le constat reste le même : c'est d'une beauté telle que ça en devient bouleversant, et je pense que les fans de Science-fictions seront les plus à-même de me comprendre quand ils verront le film.


La musique de Justin Hurwitz est, évidemment, incroyable. On ressent un peu la pâte La La Land à certains moments, mais très brièvement, car le reste du temps, on a presque l'impression qu'il s'agit d'un autre compositeur tant les musiques sont différentes de son style habituel, en plus d'être incroyablement fraîche et originale dans le paysage cinématographique, et Hurwitz est le deuxième compositeur qui a, selon moi, réussi à mettre l'espace en musique, le premier étant Hans Zimmer avec la BO d'Interstellar. Justin Hurwitz est clairement devenu lui aussi un maître de la musique de film, et son duo avec Damien Chazelle fait définitivement des miracles.


Pour conclure parce que ça commence à faire beaucoup mine de rien alors que j'ai vraiment seulement effleuré la surface : First Man est un chef-d’œuvre. Une réussite encore plus impressionnante que ne l'était La La Land. Une incroyable expérience Cinématographique, dans tout ce qu'elles peuvent avoir de plus épique et bouleversante. Du Cinéma, du pur, du vrai, et qui nous rappel pourquoi on aime tant cet art.

ThomasRegnier
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Films vu ou revus en 2018 et Le top 15 des meilleurs films que j'ai vu en 2018

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le 24 oct. 2018

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Thomas Regnier

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Chazelle se loupe avec cette évocation froide et ennuyeuse d'où ne surnage aucune émotion.

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