En 1944, dans les iles philippines, la débâcle japonaise engendre un abandon de poignées de soldats, livrées sur place aux maladies et à la disette. Au travers des pérégrinations d’un soldat tuberculeux et affamé dans la campagne, les montagnes et les camps militaires de fortune, les dialogues, la caméra comme l’aventure nous plongent dans l’abomination. La démystification de la fierté et de l’honneur nippons, ainsi que la dénonciation d’une guerre cruelle et absurde, constituent les pierres blanches de ce pamphlet, plus drame humain et pratiquement d’horreur que film de guerre. Même si le rythme est devenu lent, son intensité et sa symbolique restent carrément d’actualité et sont bien plus comprises et appréciées aujourd’hui qu’à sa sortie 1959, où il fut perçu comme une humiliation au Japon, et où il était partout encore de bon ton de glorifier la guerre pour pouvoir la légitimer.
Soldats crasseux, loqueteux, faméliques, réduits à de pitoyables rongeurs de racines, s’abrutissent ou meurent d’épuisement, de faim et de maladies, quand ils ont su éviter les bombardements américains ou la guérilla locale. Baraquements fragiles, agonies et lentes inanitions, inventions désespérées de commerces vicieux et improbables, l’accent est mis sur les déviances inventives et les nécessités extrêmes avec lesquels sombre l’homme tenaillé par la souffrance et la famine, plus que sous la perspective de la mort. Ce long gémissement cinématographique incarne une putréfaction humaine tant morale que physique, tant par la poésie sombre de l’image que par les ambiances et les comportements. Progressant avec ces zombies ambulants, on s’enfoncera toujours plus loin dans la déconnexion d’avec la raison et la vertu, jusqu’à l’aboutissement de l’inhumanité alimentaire.

etiosoko
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le 18 mai 2018

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