The Slumber Party Massacre (Amy Jones, U.S.A, 1982)

Face au succès fulgurant du Slasher auprès du public américain, c’était qu’une question de temps avant que le pape de l’exploitation ne s’y intéresse. Producteur culte, ayant lancé un nombre de cinéastes de grande envergure (Francis Coppola, Martin Scorsese, Jonathan Demme, Joe Dante…), Roger Corman débute sa carrière dans les années 1950. Il produit des films de genre à [tout] petit budget, des Westerns, puis des films d’Horreur cheap des plus bisseux.


Frôlant parfois la série Z, ses productions possèdent généralement un charme désuet, qui les fait plus pencher vers l’œuvre sympathique ringarde que le navet. Ça, c’est avant les années 1980, puisque par la suite ça devient assez pathétique. Toujours est-il qu’en 1982 il produit un Slasher, se plaçant ainsi dans l’air du temps, avec comme idée de récupérer quelques biftons.


Avec un budget à 250 000 dollars « The Slumber Party Massacre » s’avère une microproduction, avec la particularité d’apparaître avant tout comme l’œuvre de femmes. Un fait assez rare pour le signaler, puisque dans un Hollywood où derrière la caméra se cachent 95 % de réalisateurs, laissant très peu de place pour les réalisatrices.


Scénarisé par Rita Mae Brown, et mis en scène par Amy Jones (plus connue pour ses scénarios de « Mystic Pizza » et « Beethoven »), le film se trouve au départ être pensé comme une parodie. Toutefois, au fur et à mesure de la production il s’est mué en un Slasher classique, mais pas tant que ça. Car le scénario de Rita Mae Brown étant pensé comme un Teen Movie parodique avec des ados qui se font trucider la fait, possède des vestiges de la démarche initiale. En effet, le métrage se montre assez drôle, et ne se prend pas au sérieux, avec une générosité sur le gore, le tout couvert par l’installation d’un suspens efficace.


Le côté parodique sert d’interface hyper respectueuse des codes, puisque pour les détourner il faut d’abord les exploiter. Cela en constitue une œuvre qui a bien cerné le genre, pour mieux s’amuser avec, cela dès 1982, en plein essor du Slasher. De petites productions d’exploitation « The Slumber Party Massacre » deviennent un représentant sérieux du genre.


Avec un postulat aujourd’hui éculé, une bande de copines s’organisent une soirée pyjama, mais la meneuse se montre réticente à inviter Valerie. Le problème, cette dernière entend tout ça dans le vestiaire, après un match de basket. Vexée elle quitte le lieu, en mode « de toute façon, j’avais pas envie de v’nir, vous êtes des truies ».


Le film d’Amy Jones débute ainsi comme un petit Teen Movie, avec des thématiques classiques, telles que la gestion de la popularité, le harcèlement, le rejet, les relations avec les garçons, etc… Avec une volonté de créer une texture aux personnages, et non se contenter de livrer bêtement de la chair à pâté pour tueur. Cette démarche offre la possibilité de s’attacher à elles.


L’autre particularité du métrage se retrouve dans le fait que dès le départ le tueur est parfaitement identifié. C’est un taré échappé de l’asile. Il fait la Une des journaux, et même son nom circule. Avec sa tête de psychopathe, il est pour 1982 un boogeyman des plus original, alors que dans le Slasher, depuis le « Halloween » de Carpenter, les tueurs agissent en hors champs, ou bien ils sont masqués. Le fait de voir son visage offre une autre dimension, car la peur suscitée n’est pas uniquement basée sur le suspens. Elle joue également sur l’attachement aux protagonistes, et comment ils vont s’en tirer.


Russ Thorne (le tueur de son nom) s’invite à la soirée pyjama sans y être convié, et là c’est l’hécatombe. Avec son arme, qui peut prêter à rire, puisque c’est une perceuse, il apparaît comme un prolongement du Leatherface de « The Texas Chainsaw Massacre ». Il s’y retrouve ce sous-entendu de l’arme comme objet phallique, ici, la perceuse qui pénètre les victimes, des ados en fin de puberté. Il n’est d’ailleurs pas le seul à s’inviter, puisque deux garçons s’introduisent dans la maison pour fomenter une blague de mauvais goût. Cela fait d’eux des proies de Thorne, qui s’en donne dès lors à cœur joie, en dégommant tout le casting.


La force principale de « The Slumber Party Massacre » se trouve certainement dans le fait qu’il fût pensé comme une parodie. Le ton premier degré, ponctué par des séquences drôles, offre un mélange des plus exquis. La démarche se résulte à une véritable autopsie de l’anatomie du Slasher, existant à ce moment-là depuis à peine 3 ans.


Il y a dans cette œuvre un aspect involontairement méta, puisque le but affiché ne se veut pas une réflexion sur le genre. En effet, le récit compile inconsciemment les codifications et conventions, qui offrent au film sa richesse. Tout en se démarquant des délices post-modernistes de Wes Craven avec « Scream », qui avait 14 ans de recul sur le genre.


Toujours est-il que le film de Amy Holden demeure un précurseur dans l’établissement d’une structure devenue inhérente à tout Slasher. Il aborde ainsi en profondeur toutes les thématiques d’un genre de plus en plus codifié, qui restera prisonnier de ces carcans. Cela explique sa lente agonie à partir de la fin des années 1980. Avec « The Slumber Party », Amy Jone exploite toutes les facettes du genre avec efficacité et générosité sur le gore.


Bien plus malin qu’il n’y paraît, avec son double éclairage, sur le genre et sur son époque, le film présente des protagonistes majoritairement féminins, qui parviennent à résister, quand les garçons se font eux trucider. Une approche complètement dans l’air du temps, exploitant le concept de Final Girl, qui en 1980 demeure déjà une convention.


Œuvre passionnante sur plus d’un aspect, « The Slumber Party Massacre » se révèle un incontournable de l’âge d’or du Slasher. Indispensable pour mieux saisir les subtilités d’un genre en plein boom : un tueur charismatique, une arme symbolique, un groupe de jeune femme livrée en pâture, de jeunes garçons un peu bébêtes qui se veulent protecteurs, donc se font allumer, et une héroïne inattendue.


Le métrage vient tordre le cou à la tournure réac’ que prend alors le Slasher, en proposant une œuvre ancrée dans les réalités de son temps. Elle vient se jouer avec délectation des valeurs traditionnelles d’une Amérique ancestrale, remise au goût du jour par l’administration Reagan. Tel un chant libertaire sortant des profondeurs les plus obscures d’un cinéma d’exploitation souvent moins débile et superficiel qu’il n’y paraît.


-Stork._

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le 28 févr. 2020

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