En s’emparant de la corrida, pratique aujourd’hui polémique dans les divers pays qui la pratiquent encore, Ferdinand entend célébrer la réconciliation entre le taureau et le toréro, ode pacifiste à la résolution des conflits par le dialogue et par l’amour. Un tel propos, défendable compte tenu du public visé par ce long métrage d’animation, perd de vue néanmoins la question complexe des traditions, qu’il évacue au profit d’une Espagne bucolique où il fait bon accrocher des fleurs en guirlandes et manger des carottes dans la cuisine, autrement dit une Espagne hors du temps qui n’a même pas la valeur de carte postale – puisque la carte postale est, par définition, datée –, une Espagne telle que les Américains la figent et la fantasment. Comment prétendre dans ce cas représenter la corrida, puisque de la corrida nous ne voyons rien sinon des répétitions sympathiques et un dernier tour d’arène en forme de statu quo ? Nous sommes loin du magnifique Coco (Lee Unkrich, 2017) qui, la même année, aborde et explique la fête des morts à son public familial sans en divulguer douleurs et noirceurs. Le ciel bleu et les collines fleuries remplacent l’enclos, l’arène et l’abattoir, ombres vite levées par un studio réputé pour ses leçons d’amitié mais guère pour son ambition en matière de cinéma d’animation. Seule la partition de John Powell se joue des clichés hispanisants en diffusant une énergie teintée çà et là de mélancolie apte à raconter l’émancipation d’un taureau qui voulait réussir sans recourir à la violence, prolongement émoussé du Desmond Doss de Hacksaw Ridge (Mel Gibson, 2016).