La scène d’ouverture de Fausta est programmatique : le film s’impose comme un récit chanté d’une voix fragile, et qui se révèle très vite d’une beauté saisissante. Comment raconter l’horreur lorsque l’on se retrouve seule et démunie ? Telle est la question de fond que soulève Claudia Llosa, avec une grande délicatesse. Fausta est une jeune femme née dans un village du Pérou ; sa mère, qui vient de décéder, a été traumatisée par des actes terroristes qui ont ancré la peur dans son existence, peur transmise à Fausta qui se retrouve désormais seule dans la ville de Lima avec son oncle. C’est bien la question de la transmission de ce traumatisme qui est au coeur du film : la famille de Fausta est persuadée que cette dernière est atteinte du syndrome de « La teta asustada », une blessure de l’âme transmise par le lait maternel. Fausta est introvertie, sauvage ; elle souffre d’hémorragies et de violentes douleurs au ventre (la cause réelle de ce symptôme en fera frémir plus d’un.e). Incapable de communiquer normalement avec les autres, Fausta semble prisonnière de son mal, et ne trouve du réconfort que dans les magnifiques poèmes qu’elle chante en Quechua.


Mais le destin ne la laisse pas tranquille : afin de pouvoir enterrer sa mère au village natal et financer les funérailles, Fausta se voit contrainte de devenir employée de maison chez une célèbre concertiste, à qui elle va redonner l’inspiration en lui chantant ses poèmes. Cette rencontre est pour Fausta un premier pas vers sa libération. Dans le paysage gris brun de Lima, fait de poussière et de cailloux, la jeune femme va mener un chemin spirituel qui la mènera vers l’acceptation du deuil et la reconnaissance de sa propre valeur en tant qu’être humain. La caméra suit Fausta au plus près de ses émotions, entre terreur et déchirement ; il faut saluer ici la formidable prestation, toute en retenue, de l’actrice Magaly Solier.


Au-delà de son propos intime, le film réserve également de francs moments d’absurdité en parallèle du récit : on assiste à des mariages à la fois grotesques et touchants, on croise un énorme bateau coincé sous un tunnel de montagne, un emplacement qui aurait pu servir de tombe est utilisé pour construire une piscine de fortune, etc. On retiendra du film cette scène magnifique où Fausta se tient face à l’océan, prête à se libérer, enfin, de ce traumatisme dont elle a hérité malgré elle.

VODD
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les films à regarder sur VODD ! et Longs métrages à regarder sur vodd.co

Créée

le 25 août 2016

Critique lue 348 fois

2 j'aime

2 commentaires

VODD

Écrit par

Critique lue 348 fois

2
2

D'autres avis sur Fausta

Fausta
VODD
8

Prisonnière de son mal

La scène d’ouverture de Fausta est programmatique : le film s’impose comme un récit chanté d’une voix fragile, et qui se révèle très vite d’une beauté saisissante. Comment raconter l’horreur lorsque...

Par

le 25 août 2016

2 j'aime

2

Fausta
Alice_Yamamoto
8

la teta asustada

Le premier film péruvien présenté au festival de Berlin est un joyau du cinéma indépendant. Traitant d'un sujet dure et universel, ces filles issu de viol, le film atteint une dimension poétique et...

le 17 avr. 2015

2 j'aime

Fausta
Shinyan
7

un film intelligent

[...] Ce film paradoxalement traite avec pudeur et dureté de sujets délicats : les conflits qui ont traversé le perou, les sévices subis par la population, la honte et la douleur de femmes abusées et...

le 23 avr. 2011

2 j'aime

Du même critique

A perfect ending
VODD
6

Le plaisir féminin sans hystérie ni voyeurisme

Pas facile de cataloguer ce film de Nicole Conn. Présenté comme un film-étendard de la cause LGBT aux États-Unis, il soulève une multitude de questions auxquelles la réalisatrice répond de manière...

Par

le 8 août 2016

5 j'aime

Sly Cad
VODD
7

Rom-com courte et efficace !

Sly Cad frappe vite et fort. Illustration efficace du principe de l’arroseur arrosé, ce film est une comédie cinglante qui devrait plaire à tous les recalés du big love. Ne vous laissez pas abuser...

Par

le 8 août 2016

3 j'aime

Les Lézards
VODD
9

Critique de Les Lézards par VODD

Deux hommes attendent au hammam un rendez-vous pris avec une femme sur internet, sans vraiment connaître l’identité de cette dernière. Les rencontres et dialogues cocasses se succèdent, et se dotent...

Par

le 6 juil. 2016

3 j'aime