Le plaisir féminin sans hystérie ni voyeurisme

Pas facile de cataloguer ce film de Nicole Conn. Présenté comme un film-étendard de la cause LGBT aux États-Unis, il soulève une multitude de questions auxquelles la réalisatrice répond de manière partielle mais néanmoins pertinente. Le synopsis pourrait faire croire à une comédie potache : Rebecca, épouse irréprochable, est entravée par un complexe : elle n’a jamais eu d’orgasme. De fait, on lorgne parfois du côté de Sex and the city lorsque la protagoniste confie son mal-être à ses amies : ces dernières lui conseillent alors de consulter une « spécialiste », à savoir une call-girl qui l’aidera à (re)découvrir son propre corps. Ce canevas donne évidemment lieu à de nombreuses scènes cocasses, basées sur les maladresses de cette bourgeoise engoncée dans son quotidien aux airs de couverture de magazine. Mais fort heureusement, le film ne s’arrête pas là…
A Perfect Ending est avant tout intéressant parce qu’il pose la question du corps des femmes, et de la manière dont elles peuvent se l’approprier. Le film est traversé par une belle métaphore qui éclaire cette idée : passionnée de dessin, la call-girl fait patiemment et minutieusement apparaître des formes sur le papier, tout comme Rebecca se reconstruit progressivement une image d’elle-même en redécouvrant le plaisir charnel.


On est reconnaissants à Nicole Conn de savoir parler du plaisir féminin sans hystérie ni voyeurisme : certes le film sait se montrer érotique, faisant la part belle aux scènes de sexe, mais la réalisatrice ne faillit pas à sa mission. Il s’agit d’éclairer la fonction biologique du désir féminin (ou plutôt, du désir d’une femme), en le débarrassant du mysticisme dont il est habituellement chargé, et en réhabilitant un élément qu’on ne voit presque jamais sur nos écrans : le corps désirant d’une femme ménopausée. Là où les hommes de plus de 50 ans ont encore toute leur légitimité dans des rôles de séduction (les exemples ne manquent pas : Johnny Depp, Brad Pitt, Clooney, Robert Downey Jr, Ralph Fiennes, Liam Neeson …), le corps de la femme de plus de 50 ans (et encore, on est sympas, c’est plutôt 40 ans en réalité) est complètement occulté dans le cinéma d’aujourd’hui.


On pardonne donc à Nicole Conn quelques figures de style poussiéreuses : est-ce qu’on croit à ce parcours initiatique et à la dictature de l’orgasme ? Pas franchement, mais le film est constant dans son propos, et la réalisation pudique, toute en hésitations, nous rappelle parfois l’œil de De Palma ou la délicatesse du récent Carol de Todd Haynes. D’autant qu’en filigrane se déroule l’histoire d’une passion amoureuse (ah, enfin !), une vraie.

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le 8 août 2016

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