Le gondolier de l'eau tranquille, les larmes et muqueuses font un fleuve tiède

Faust est un homme cultivé, savant, dont le désir de connaissance a consumé les richesses et les illusions de la jeunesse. Désormais il est en retard dans ses dettes, cynique, il ouvre des cadavres et découpe des organes, une activité que son père, médecin charitable mais excessif, qualifie presque de "hobby", sans réelle application pratique, rémunératrice ou salvatrice.

Faust connait les grands philosophes, le fonctionnement du corps humain et les alignements de planètes, mais Faust est sans le sou, ne disposant que d'un disciple anormal presque fou qui lui sert d'assistant. Faust est entouré de personnages étranges tandis que son estomac broie le vide et son cerveau de sombres pensées.

Faust, comme beaucoup d'autre en son temps et en le notre, va donc tenter d'aller monnayer le peu qui lui reste, à savoir une bague, un autographe, une vie, des tentations : une âme ... L'usurier (le Diable, le tentateur, le passeur) est alléché mais joue au difficile, c'est que, comme l'a déclaré Faust innocemment dans la première scène, le bien et le mal n'existe pas, c'est l'homme qui est le prisme de l'action, action qui elle-même fait le monde puisque "Au commencement était l'action" et non le verbe. On trouve donc comme l'explique le difforme mais séduisant personnage, aussi bien le sens, que la puissance, que le verbe dans les résultats de l'action.

Il faut donc à l'usurier abandonner un temps seulement son commerce pour jouer au guide avec Faust, lui révélant des secrets, lui susurrant des conseils et le menant sur les sentiers de traverse de la vie : on passe par des tunnels, on pénètre dans des caves et on fait connaissance avec l'ensemble du village.

Je pourrai m'attarder sur chacun des personnages que nous croisons, je pourrai m'attarder sur chaque scène : Sokourov (élève de Tarkovsky me chuchote une ombre à l'oreille) nous offre un travail léché fort en symbolisme, dont l'esthétique est une merveille, portée par une musique de circonstance. Faust est juste, convaincant tandis que le maître au sourire animal et aux yeux brillants est un délice à l'écran.

Cependant mes bons amis, il serait injuste que pris par mes paroles comme une mouche dans du bon vin ou une fourmi dans du miel, vous creviez la fine membrane pour abreuver la plume de votre fluide carmin, ne signez pas trop vite pour suivre allègrement cette visite de l'âme humaine. En effet Faust comme tant d'autres a aussi des défauts qu'il tente de dissimuler par ses qualités comme un bubon rougeaud par un parfum musqué.

Bien que très intéressant, Faust a des longueurs, bien que magnifique, Faust tombe parfois dans une artificialité qui picotent les yeux, bien que logique et cohérent, il tombe dans une symbolique excessive, vaseuse qui se ressent surtout sur la fin. À noter aussi que parfois Sokourov va un petit peu loin dans le diablequecestlaidmocheetpeuragoutantpouahpouahpouah.

Malgré ou à cause de tout cela, je suis le 665ème de la liste du Teufel, il ne tient qu'à vous de prendre ma suite.
Cmd
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le 11 juil. 2012

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