Fargo
7.7
Fargo

Film de Ethan Coen et Joel Coen (1996)

C'est en commençant par The Big Lebowski que j'ai vu la majorité des films des frères Coen, alors que je n'avais pas vu jusqu'à cette année le réputé Fargo. L'occasion s'est présentée, j'ai sauté dessus ne pouvant rien faire de mieux à ce moment là que de mater un film.

Avec les cinéastes à obsessions, c'est un peu comme dans sa propre vie : ça fait bizarre de revenir sur les lieux du crime des années plus tard. A tel point que la majorité des critiques (dans la presse ou des gens comme vous et moi) sur ce film ne me rejoignent pas.

Fargo est un film qui reprend la majorité des thèmes communs au Lebowski, au Serious Man, Burn after reading, No Country for old men ainsi que tous les autres. Pour celui ou celle qui n'aura pas voulu ou pas vu ces films, résumons ainsi : les gens peuvent faire preuve d'une cruauté effrayante, les gens peuvent faire preuve d'une bêtise effrayante, la malchance peut amener de parfaits innocents au milieu de catastrophes provoquées par les deux premières catégories.

A mi-chemin entre No country for old men qui ne garde que l'aspect sombre de cette thèse et The Big Lebowski qui a des airs de farce, Fargo commence par se jouer du spectateur :

Here be spoilers
Ne pas lire le paragraphe suivant si vous envisagez de le voir



Le film commence en mentionnant que tout est réel sauf les noms, par respect envers les familles des morts. C'est une vaste blague que confirme la conclusion du film dans le générique qui stipule que c'est entièrement de la fiction. En entrevue les frères Coen confirmeront leur intention - qui a très bien fonctionné sur moi - de faire passer outre les exagérations du film auprès du spectateur qui se dira du coup que puisque c'est arrivé, c'est plausible. Par ailleurs en mentionnant d'emblée et l'air de rien les victimes, le film se pare d'une tension continuelle qui laisse sans cesse présager le pire, qui arrive d'ailleurs à au moins quatre reprises.


Fin des spoilers



La force de ce Fargo qui peut choquer le spectateur à la manière d'un Funny Games (une bonne partie de la violence arrive hors-champ, le cerveau se charge de reconstituer la scène en pire), c'est de jouer avec le spectateur. C'est aussi sa faiblesse puisqu'à la fin du visionnement on est vaguement horrifié et/ou amusé par la bêtise crasse et ses conséquences, mais qu'on a finalement accroché personnellement et intimement avec aucun des personnages. Fargo se vit donc comme une aventure unique que personne ne souhaitera probablement revivre plusieurs fois.

Que Fargo ait gagné un oscar d'écriture de scénario me semble vaguement déprimant, car même si l'histoire est effectivement bien menée, elle n'est pas aussi révolutionnaire qu'on semble le penser. C'est surtout le travail de mise en scène qui lui donne du relief : ce qu'on choisit de montrer ou pas, les juxtapositions de scènes destinées à faire monter la tension ou à catastropher le spectateur, le pathétisme volontaire de ce qui pourrait être plus flamboyant.

Au final Fargo est un petit film noir intéressant mais qu'on ne garde pas dans sa mémoire pendant des années comme le sont les grands films. Il est surtout annonciateur des autres films des frères Coen qui iront plus loin, avec plus de panache et plus d'émotion.

A louer, donc. Vous verrez bien si vous trouvez qu'il mérite d'être acheté.

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le 16 nov. 2010

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zeugme

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