L'hommage nostalgique d'Auteuil à Pagnol (2/2)

C'est peu dire que je redoutais la sortie de "Marius" et "Fanny", deux premiers volets (d’où une seule critique) remakés par Daniel Auteuil de la trilogie d'abord imaginée pour le théâtre par Marcel Pagnol ("Marius", "Fanny", "César").

Je crois pouvoir dire que je suis soulagé. Amoureux de cet écrivain pétri de talent, à la fois moderne et profondément humaniste, j'ai retrouvé ces moments de joie qui peuvent laisser place dans l'instant suivant à la tristesse. Je n'irai pas jusqu'à dire que la justesse des mots ni la puissance dramatique de l’écrivain dramaturge sont égalées ici. Sans doute les deux films originaux tournés par Alexander Korda (Marius, 1931) et Marc Allégret (Fanny 1932) sont-ils eux aussi dotés d’une intensité plus vive et d’une plus grande justesse grâce au talent des comédiens de l’époque.

Qui dit remake dit repères, passion de l’habitude, nostalgie des films de son enfance, à l’image de ses chefs-d’œuvre autobiographiques (« La gloire de mon père » ; « Le château de ma mère »). Dans les deux premiers de cette nouvelle trilogie (espérons qu’il tourne "César" pour la conclure), Daniel Auteuil qui a le mérite de chercher son propre personnage souffre forcément de la comparaison avec l’immense Raimu. De même n’est pas Pierre Fresney qui veut. Mais cela n’enlève rien à la performance de la bande à Auteuil, intimement lié à Pagnol depuis que son interprétation magistrale d'Ugolin ("Jean de Florette" et "Manon des sources", de Claude Berri en 1986) a bouleversé sa carrière.

Si certains rôles sonnaient faux (Kad notamment) dans son premier essai pagnolesque (« La fille du puisatier », 2011), dans « Marius » et « Fanny » on y croit. De même que les seconds rôles convaincants (Jean-Pierre Darroussin (Panisse) ; Marie-Anne Chazel (Honorine)...) les deux amoureux Raphaël Personnaz et Victoire Belezy sont émouvants dans leur rôle. Et parfaitement crédibles parce qu’à une ou deux exceptions près, l’accent marseillais ne sonne pas faux, ce qui est une performance assez remarquable pour des acteurs dont ce n’est pas l’intonation naturelle.

Pour des raisons évidentes Daniel Auteuil n’a pas pu tourner la plupart de ses scènes dans l’actuel Vieux Port. La reconstitution de ce qu’était le Marseille du début du XXe siècle est néanmoins réussie bien que cet univers en partie recréé perde le charme des images d’époque tournées en noir et blanc.

Plus que le côté pagnolade, Daniel Auteuil a cherché à se concentrer sur les rapports entre les personnages et la tension qui va crescendo. Les dialogues sont ciselés comme il se doit mais pas de superflu pour cette adaptation. « Je me suis rendu compte qu’il ne fallait rien ajouter mais plutôt enlever au contraire. Un peu de folklore justement, pour mettre en valeur l’universalité de l’œuvre » a lui-même expliqué Daniel Auteuil en pensant au débat de société actuel sur la parentalité et la relation aux modèles familiaux traditionnels. « Qu’est-ce qu’être père ? Dans la trilogie, la réponse est claire : le père c’est celui qui aime. Répondre ça dans les années 30, c’est d’une modernité et d’une audace folles ». 80 ans plus tard, on perçoit tout le génie avant-gardiste de l’œuvre.
Teddy_KGB
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le 10 juil. 2013

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